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UDRP sur medailledebapteme.com : deux erreurs à ne pas commettre

La décision D2019-3175 oppose la société Orfeva SARL à M. A. dans un litige portant sur le nom de domaine <medailledebapteme.com> (OMPI, D2019-3175, Orfeva SARL c. V. A., 11, mars 2020). Ce qui frappe à la lecture de cette décision, c’est que ce litige n’aurait jamais dû être porté devant un tiers-décideur du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, et ce pour deux raisons : l’une d’ordre stratégique ; l’autre d’ordre juridique.
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L’erreur stratégique : l’abandon du nom de domaine
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Il résulte des explications de la société demanderesse que son représentant légal (autrement dit, la société elle-même) avait “fait le choix de ne pas renouveler l’enregistrement du nom de domaine” <medailledebapteme.com>. Dès lors, la société Orfeva s’était délibérément dessaisie de ce nom de domaine dans des circonstances qui, sauf preuve contraire, l’ont fait tomber dans la catégorie des res derelictae, c’est-à-dire les choses “qui peuvent être acquises par occupation après abandon par leur propriétaire” (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF). L’abandon du nom de domaine <medailledebapteme.com> est inconcevable, déconcertant. On n’abandonne pas un nom de domaine descriptif de l’activité de l’entreprise, surtout pas s’il comporte l’extension .COM. Deux ans plus tard (ce qui est un délai extraordinairement long), le nom de domaine fut de nouveau enregistré, et donc occupé, par un concurrent, M. A. De part la théorie de l’occupation, le nom de domaine <medailledebapteme.com> devint ainsi la propriété de M. A. Toutefois, la théorie de l’occupation ne suffit pas, à elle seule, à justifier l’appropriation, par un tiers, d’un nom de domaine abandonné. Il faut, en effet, convoquer le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.
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L’erreur juridique : le caractère descriptif de la marque
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La société Orfeva SARL est titulaire de la marque verbale française MEDAILLEDEBAPTEME.FR n° 4091939 qui désigne, notamment mais surtout, la classe 14 (bijouterie, joaillerie). Forte de ce qu’elle considère comme un droit de propriété opposable à tous, elle a donc tenté d’exclure toute personne de la possibilité d’employer l’expression “Médaille de Baptême” pour désigner, dans le commerce, des articles de bijouterie ou de joaillerie. Rappelons que la présence du suffixe .FR est indifférente. C’était méconnaître la liberté du commerce et de l’industrie, principe fondamental face auquel toute marque descriptive s’efface. En ce sens, l’article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle est pourtant d’une grande clarté :
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“Ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls : (…) 2° Une marque dépourvue de caractère distinctif”.
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Or la marque MEDAILLEDEBAPTEME.FR désigne… des médailles de baptêmes. Même le concept de marque faible ne pourrait s’appliquer à une marque aussi descriptive. En somme, cette marque ne devrait pas plus exister que la procédure D2019-3175. Cependant, pour tempérer notre propos, la société Orfeva peut se réjouir d’avoir choisi la voie extra-judiciaire puisque, contrairement au juge, le tiers-décideur n’a pas le pouvoir de prononcer la nullité de la marque. Or il y a fort à parier que la partie opposée aurait soulevé une demande reconventionnelle en ce sens. Quoique ce n’est pas si certain puisque, en l’occurrence, le défendeur est, lui aussi, titulaire d’une marque qui pourrait également être considérée comme dépourvue de caractère distinctif, à savoir la marque semi-figurative française n° 4230803 :



Reconnaissons volontiers qu’en convoquant le droit français, nous nous écartons du régime juridique de l’UDRP, mais nous soutenons invariablement qu’en présence de parties de même nationalité ou ayant leur siège social dans le même pays, il peut être légitimement fait référence au corpus juridique de ce dernier. Cette position se justifie par l’idée selon laquelle la décision extra-judiciaire a nécessairement vocation à produire des effets juridiques dans l’ordre juridique du pays concerné. Simplement, il faut s’assurer que le tiers-décideur ne s’arroge pas des pouvoirs que les principes et règles UDRP ne lui ont pas conférés. Et quoiqu’il en soit : Nemo censetur ignorare legem !

En résumé, il peut être nécessaire d’enregistrer (et de conserver !) des noms de domaine descriptifs de l’activité exercée. Mieux vaut les intégrer dans son portefeuille plutôt que de les voir enrichir celui du concurrent. En outre, exploités convenablement, ils peuvent contribuer à l’amélioration du référencement du site Internet. En revanche — et on ne le répètera jamais assez —, il est parfaitement inutile de déposer des marques manifestement descriptives puisque, encourant la nullité à tout moment, elles n’ont aucune valeur juridique et, par conséquent, aucune valeur financière.