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France : l’action du titulaire d’une marque déchu quant aux actes de contrefaçon intervenus avant la déchéance

M. B. était titulaire de la marque française semi-figurative « Saint Germain » n° 3 395 502, déposée le 5 décembre 2005 pour désigner, en classes 30, 32 et 33, notamment les boissons alcooliques (à l’exception des bières), cidres, digestifs, vins et spiritueux, extraits ou essences alcooliques. Le 8 juin 2012, M. B. a assigné la société St Dalfour et la société Etablissements Gabriel Boudier (fabricants d’une liqueur de sureau nommée « St-Germain ») et la société Cooper International Spirits (distributeur de cette liqueur) pour contrefaçon de la marque « Saint Germain » n° 3 395 502. Cependant, un arrêt du 11 février 2014, rendu dans une autre affaire, a déchu M. B. de ses droits sur la marque « Saint Germain » à compter du 13 mai 2011. Malgré tout, M. B. a maintenu ses demandes pour la période non couverte par la prescription et antérieure à la déchéance, soit entre le 8 juin 2009 et le 13 mai 2011. Le 13 septembre 2016, la Cour d’appel de Paris a considéré que M. B. ne justifiait d’aucune exploitation de la marque depuis son dépôt. Par conséquent, il ne pouvait arguer d’aucune atteinte au droit de marque. M. B. forma un pourvoi en cassation. Il faisait valoir que le titulaire de la marque peut interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque et susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services.

Les faits ont amené la Cour de cassation a saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la question préjudicielle suivante :

« [L’article 5, paragraphe 1, sous b), et les articles 10 et 12 de la directive 2008/95] doivent-ils être interprétés en ce sens que le titulaire, qui n’a jamais exploité sa marque et a été déchu de ses droits sur celle-ci à l’expiration de la période de cinq ans suivant la publication de son enregistrement, peut obtenir l’indemnisation d’un préjudice pour contrefaçon, en invoquant une atteinte portée à la fonction essentielle de sa marque, causée par l’usage par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire à [cette] marque pour désigner des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels [ladite] marque a été enregistrée ? ».

Dans un arrêt du 26 mars 2020, la CJUE a adopté la solution suivante :

« [Les dispositions concernées] laissent aux États membres la faculté de permettre que le titulaire d’une marque déchu de ses droits à l’expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’usage, par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque » (CJUE, 26 mars 2020, aff. C‑622/18, Cooper International Spirits LLC).

Munie de cette solution, la Cour de cassation a rendu son arrêt le 4 novembre 2020. Elle casse l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 septembre 2016 et retient la solution suivante :

« la déchéance d’une marque, prononcée en application de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu’à l’expiration d’une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l’atteinte portée à ses droits sur la marque qu’ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance ».

À la suite de quoi l’affaire a été remise devant la Cour d’appel de Paris (autrement composée).


Cass., com., 4 nov. 2020, 16-28.281, Publié au bulletin : Legifrance.gouv.fr