La pandémie de COVID-19 contraint les organisateurs d’évènements à redoubler de vigilance vis-à-vis, entre autres, des noms de domaine. Comme les agendas sont chamboulés, l’évènementiel constitue une proie facile pour les cybersquatteurs.
Ainsi, le 24 mars 220, le Comité International Olympique a annoncé le report des Jeux Olympiques de Tokyo, au plus tard, à l’été 2021 (Olympic.org, 2020-03-24). Étant donné qu’un tel report était envisageable déjà quelques semaines auparavant, le nom de domaine tokyo2021.org fut enregistré dès le 3 février 2020 pour être mis en vente (WIPO, D2020-0808, International Olympic Committee and Tokyo Organising Committee of the Olympic and Paralympic Games v. Contact Privacy Inc. Customer 1246395316 / Daniel O’Hare, June 12, 2020). Dès lors, il est vivement conseillé aux organisateurs d’évènements reportés en 2021 ou en 2022 de réserver les noms de domaine « 2021 » ou « 2022 » au plus vite.
L’historique des procédures extrajudiciaires relatives aux marques « Roland Garros » et « French Open » révèle un autre exemple. En 2020, la Fédération Française de Tennis (FFT), qui a été contrainte de bousculer le calendrier du Tournoi de Roland Garros et de réduire le nombre de spectateurs, a dû initier plusieurs procédures extrajudiciaires visant à faire cesser des actes de cybersquatting.
Le nombre de procédures n’est pas significatif en lui-même. En effet, il n’est pas rare que la FFT initie des procédures extrajudiciaires pour faire cesser l’utilisation de noms de domaine imitant ou reproduisant les marques « Roland Garros » et « French Open ».
Fréquemment, les marques « Roland Garros » et « French Open » sont associées à des termes évoquant la diffusion du tournoi (« TV », « live », « stream » ou « livestreaming ») ou, plus rarement, à la billetterie (« tickets »).
Le cas, récent, du nom de domaine boycottrolandgarros.com (CAC, UDRP Case 103287, Fédération Française de Tennis v. Lifemond Internacional, 8 October 2020), semble unique dans l’historique des marques « Roland Garros » et « French Open ». D’après les ressources disponibles publiquement, c’était la première fois que la FFT se trouvait confrontée à un nom de domaine faisant ouvertement référence à la liberté d’expression. Or, depuis plusieurs mois, elle était effectivement confrontée à des critiques liées aux conséquences de la pandémie. En situation de crise, les propriétaires de marques peuvent être amenés à faire des choix potentiellement clivants, ce qui paraît bien relever de la nature humaine. En pareil cas, la surveillance des noms de domaine et des pages Internet doit être intégrée à la stratégie de crise du propriétaire de la marque. C’est ainsi qu’il pourra réagir instantanément aux différents actes délictuels que sont, entre autres, le cybersquatting, l’injure ou la diffamation. En présence de tels risques, il est primordial que le propriétaire de la marque se place dans une position qui lui permette de prendre connaissance des résultats de ces surveillances dans les délais les plus brefs. En matière de cybersquatting, le choix d’une alerte quotidienne paraît s’imposer dès l’apparition d’un débat impliquant, par exemple, un appel au boycott.
Il faut également se méfier de ceux qui, sans s’investir dans le débat, mettent tout en œuvre pour en tirer profit. En l’occurrence, au jour de la plainte, soit dix jours après l’enregistrement du nom de domaine boycottrolandgarros.com, ce dernier n’accueillait qu’une page parking contenant des liens commerciaux. Or la réalisation, de bonne foi, d’une page qui viserait à exposer les raisons pour lesquelles on se désolidarise des choix de la FFT, ne devrait nécessiter que quelques heures. En réalité, l’hypothèse la plus probable tend vers celle d’un cybersquatteur qui se serait approprié un nom de domaine faisant référence à la naissance d’une controverse à laquellel il était lui-même étranger et de laquelle il envisageait de tirer profit. D’ailleurs, l’absence de participation du défendeur à la procédure UDRP révèle assurément le peu d’intérêt que le cybersquatteur attachait au débat. Cette attitude indigne nécessitait une réaction immédiate.
Pour conclure, en période de crise telle que celle provoquée par la pandémie actuelle, il paraît prudent, pour les entreprises fortement exposées médiatiquement, de prévoir un audit du portefeuille de noms de domaine et d’installer des surveillances sur mesure. En outre, s’agissant des surveillances en cours, il paraît utile de les configurer de manière à ce que le titulaire des droits de marque soit averti, dans les meilleurs délais, de l’apparition de nouveaux noms de domaine susceptibles de tromper le public.