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États-Unis : une vingtaine de mesures prioritaires pour lutter contre la contrefaçon


Le 3 avril 2019, la Maison Blanche avait fait paraître un memorandum sur la lutte contre la contrefaçon (iptwins.com, 2019-04-05), dans lequel elle demandait aux dirigeants des agences fédérales concernées de lui remettre un rapport avec les objectifs suivants :

i) L’analyse de l’ensemble des données disponibles et susceptibles d’améliorer la connaissance des mécanismes qui permettent ou facilitent la contrefaçon. Les résultats du rapport pourraient servir de base à toute modification aux niveaux administratif, réglementaire, législatif ou politique.

ii) L’évaluation des politiques et procédures existantes des intermédiaires (plateformes Internet, distributeurs, transporteurs, etc.) et des entrepreneurs fédéraux pour que ces derniers établissent un système permettant de détecter et d’éviter les pièces électroniques de contrefaçon.

(iii) Recommander des modifications aux pratiques de collecte des données des organismes.

(iv) Identifier les changements administratifs, législatifs ou réglementaires et aborder les pratiques des contrefacteurs y compris leur logistique d’expédition, d’exécution et de paiement, et évaluer les moyens d’atténuer les facteurs facilitant le trafic de marchandises de contrefaçon.

(v) Identifier les orientations appropriées que les agences peuvent fournir aux intermédiaires pour les aider à empêcher l’importation et la vente de marchandises de contrefaçon.

(vi) Identifier les modifications administratives, réglementaires, législatives ou politiques appropriées qui permettraient aux agences, le cas échéant, de partager plus efficacement des informations concernant la contrefaçon.

(vii) Évaluer les besoins actuels et futurs des agences en matière de ressources et formuler des recommandations appropriées pour une détection, une interdiction, une enquête et des poursuites plus efficaces concernant le trafic de marchandises de contrefaçon, y compris par le biais des plateformes de marché en ligne et d’autres intermédiaires. Ces recommandations devraient inclure des suggestions pour accroître l’utilisation de technologies efficaces et développer la collaboration avec des tiers, des titulaires de droits de propriété intellectuelle et d’autres parties prenantes.

viii) Identifier les domaines de collaboration entre le Département de la justice et le Département de la sécurité intérieure des États-Unis pour lutter contre le trafic de marchandises de contrefaçon.

Le 24 janvier 2020, le Department of Homeland Security (DHS) a publié son premier rapport (Department of Homeland Security, Office of Strategy, Policy, and Plans, Combating Trafficking in Counterfeit and Pirated Goods. Report to the President of the United States, January 24, 2020). Ce dernier a été préparé avec, entre autres institutions, le U.S. Intellectual Property Enforcement Coordinator (qui est branche du Bureau de la gestion et du budget), l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) et Customs and Border Protection (CBP). Ce rapport expose une série de recommandations et de mesures que le gouvernement fédéral et les parties prenantes peuvent adopter pour lutter contre la contrefaçon.

  • Aperçu du trafic de marchandises contrefaites et piratées

Avec une ambition ouvertement pédagogique, le DHS décrit les principaux moteurs de la contrefaçon et du piratage dans le commerce électronique à travers le rôle des marchés en ligne, en mettant fortement l’accent notamment sur les économies réalisées par les contrefacteurs, à savoir les coûts de démarrage et de production, les coûts de marketing et de distribution.

  • Attitudes et perceptions des consommateurs

En outre, les auteurs du rapport expriment une vive inquiétude quant à l’évolution de l’appréhension des consommateurs qui, plongés dans ce nouvel environnement qu’est le numérique, ne sont plus mis en situation de reconnaître un produit authentique et une contrefaçon (p. 4). 

  • Principaux produits sujets à la contrefaçon et au piratage

Sur la base de statistiques livrées par les douanes américaines, les produits sujets à la contrefaçon et au piratage sont les suivants :


Department of Homeland Security, Office of Strategy, Policy, and Plans, Combating Trafficking in Counterfeit and Pirated Goods. Report to the President of the United States, January 24, 2020, p. 16
Department of Homeland Security, Office of Strategy, Policy, and Plans, Combating Trafficking in Counterfeit and Pirated Goods. Report to the President of the United States, January 24, 2020, p. 16

  • Risques pour la santé et la sécurité, économiques et nationaux

Toujours dans une optique pédagogique, les auteurs du rapport font bien de rappeler que la contrefaçon ne touche pas seulement les sacs de luxe et les maillots de sport. Ils concernent également, et d’une manière qui est dangereusement croissante :

– les produits pharmaceutiques, y compris des médicaments accessibles exclusivement sur ordonnance, dont des opioïdes (p. 17) ;

– les produits cosmétiques, lesquels “contiennent souvent des ingrédients tels que l’arsenic, le mercure, l’aluminium ou le plomb et peuvent être fabriqués dans des conditions insalubres, ce qui peut finalement entraîner des problèmes aux yeux ou à la peau” (p. 18) ;

– les adaptateurs pour téléphones mobiles, dont les failles provoquent parfois des incendies et des risques d’électrocution (p. 18) ;

– les jouets pour enfants, dont certains contiennent des métaux mortels comme le cadmium et le plomb (p. 18) ; ou encore 

– les airbags, les roues, les ceintures de sécurité (p. 18) ; et même

– des livres médicaux pouvant contenir des erreurs (p. 18).

Enfin, le DHS rappelle que la contrefaçon emporte des conséquences économiques imposantes (p. 18) et qu’elle permet de financer le crime organisé, y compris, dans certains cas, des opérations terroristes (p. 19).

  • Comment le commerce électronique facilite le trafic de contrefaçon

D’abord, ajoute le DHS, parce que c’est rentable et cela l’est d’autant plus lorsque le contrefacteur est à l’étranger puisque le risque juridique est diminué. À cet égard, les auteurs du rapport reviennent sur les économies que les contrefacteurs peuvent faire :

– les dépenses de recherche et développement (p. 21) ;

– la qualité des produits, en précisant, à juste titre, qu’ “il en coûte beaucoup moins cher de produire des versions contrefaites qui ne répondent pas aux exigences de santé et de sécurité qui rendent les produits légitimes si sûrs” (p. 21) ;

– les coûts de production sont minimisés par l’emploi d’ingrédients et de composants de qualité inférieure (p. 21) ;

– les économies réalisées sur l’absence d’espace de vente physique et sur l’absence de personnel (p. 22) ;

– le recours aux entrepôts des plateformes de commerce électronique (p. 24).

Ensuite, parce que de nouvelles technologies facilitent la reproduction de produits, notamment les imprimantes 3D (p. 21).

Les auteurs tiennent compte, à bon escient, de la désinformation savamment organisée par les contrefacteurs afin d’élever autant que possible le risque de confusion dans l’esprit des consommateurs et ce, tant sur les plateformes de marché que sur les médias sociaux. Eu égard aux médias sociaux, le DHS s’inquiète de la prolifération des listes cachées (p. 22).

Les contrefacteurs ont également appris à tirer parti des nouvelles méthodes de distribution de colis aériens, sachant qu’il est impossible d’intercepter ou de vérifier chaque colis (p. 23).

  • Sensibilisation du secteur privé et commentaires du public

Dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, le DHS a recueilli les témoignages des victimes de la contrefaçon qui ont fait part de leurs préoccupations :

– les plateformes ne font pas assez pour garantir que les vendeurs fournissent des informations exactes (p. 24) ;

– l’intégration, l’identification et le contrôle des vendeurs doivent être considérablement améliorés (p. 24) ;

– la législation, qualifiée d'”obsolète”, n’est pas adaptée puisque les vendeurs de contrefaçons échappent aux sanctions (p. 24) ;

– les plateformes devraient agir de manière proactive et avec plus de diligence (p. 24), alors que la charge repose de manière disproportionnée sur les titulaires de droit de propriété intellectuelle (p. 25). Cependant, des intermédiaires ont rétorqué qu’ils avaient réalisé de lourds investissements destinés à améliorer leur productivité (p. 25).

Les parties prenantes ont partagé leurs observations : 

    1. Les mesures adoptées par les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, de distribution et de vente du commerce électronique sont essentielles (p. 25) ;
    2. Ces mesures sont essentielles, mais nécessairement insuffisantes puisque le traffic de contrefaçons continuent de croître (p. 25) ;
    3. Les titulaires de droits sont souvent gênés par les plateformes de commerce électronique qui exploitent des marchés tiers.
    4. Les ressources gouvernementales sont insuffisantes, à elles seules, pour endiguer la contrefaçon ;
    5. La structure incitative tend à récompenser davantage le trafic de marchandises de contrefaçon.
  • Action immédiate du DHS et recommandations pour le gouvernement américain

Le DHS propose d’adopter les 11 mesures suivantes (pp. 26 et s.) :

  1. Assurer la responsabilité des entités ayant des intérêts financiers dans les importations ;
  2. Accroître l’examen de l’article 321 de la loi sur les tarifs de 1930 ;
  3. Suspendre et exclure les récidivistes; Agir contre les postes internationales qui enfreignent les règles de conformité ;
  4. Infliger des amendes civiles, des sanctions et des actions en cessation pour les produits importés illicites ;
  5. Tirez parti des données électroniques avancées pour le courrier ;
  6. Mettre en place un consortium pour l’identification des “opérateurs infâmes”, consortium qui serait nommé “Anti-Counterfeiting Consortium to Identify Online Nefarious Actors (ACTION) Plan” ;
  7. Analyser les ressources en matière de mise en oeuvre de la protection des droits de propriété intellectuelle ;
  8. Moderniser la mise en oeuvre de la protection des droits de propriété intellectuelle sur les plateformes de commerce électronique ;
  9. Évaluer la responsabilité des plateformes ;
  10. Réexaminer le cadre juridique applicable aux importateurs non-résidents ; et
  11. Établir une campagne nationale de sensibilisation des consommateurs.
  • Meilleures pratiques

Enfin, le DHS dresse une liste de 10 pratiques qualifiées de “hautement prioritaires”, à savoir (pp. 34 et s.) :

  1. Révision des conditions d’utilisation, de manière à renforcer les pouvoirs de la plateforme dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon ;
  2. Contrôle considérablement renforcé des vendeurs tiers ;
  3. Limitation des produits à haut risque ;
  4. Procédures de notification et de retrait efficaces ;
  5. Actions post-identification améliorées ;
  6. Exigences d’indemnisation pour les vendeurs étrangers (les vendeurs devraient présenter des garanties, par ex., une assurance) ;
  7. Effacer les transactions via des banques qui se conforment aux demandes d’exécution américaines (les plates-formes devraient encourager les vendeurs à effacer uniquement les transactions avec les banques et les prestataires de paiement qui se conforment aux demandes d’informations et aux lois des États-Unis relatives au financement des activités de contrefaçon) ;
  8. Identification avant vente des vendeurs tiers ;
  9. Établir des ID de vendeur sur la place de marché ;
  10. Divulgation clairement identifiable du pays d’origine.

Considérant que la Maison Blanche a défini la lutte contre la contrefaçon dans ses priorités, il ne serait pas surprenant de voir les mesures préconisées se mettre en place dans le courant de l’année. Cependant, certaines d’entre elles provoqueront des débats, tout particulièrement la question de la responsabilité des plateformes.