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Contrefaçon : la Chine se maintient en tête des préoccupations de la Commission européenne

"A fair field for all! China will continue to provide equal IPR protection for both domestic and foreign enterprises while seeking breakthroughs in key areas and enhancing international cooperation on IPR protection" (https://english.cnipa.gov.cn/art/2023/4/19/art_3224_184397.html).
« Un terrain équitable pour tous ! La Chine continuera d’assurer une protection égale des DPI aux entreprises nationales et étrangères tout en recherchant des percées dans des domaines clés et en renforçant la coopération internationale en matière de protection des DPI » (https://english.cnipa.gov.cn/art/2023/4/19/art_3224_184397.html).

La Commission européenne a publié son Rapport 2023 sur la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers (europa.eu, 17 May 2023). Ce rapport dresse une liste des pays dans lesquels le niveau de protection des droits de propriété intellectuelle est jugé préoccupant. À cette fin, la Commission se fonde essentiellement sur les indicateurs suivants :

– le niveau de contrefaçon ;
– la qualité de la législation ;
– l’efficacité dans la mise en œuvre de la législation ;
– le respect des droits de propriété intellectuelle dans les enceintes internationales ;
– niveau de développement économique (pp. 8 et 9 du Rapport).

La Chine demeure la principale préoccupation de la Commission européenne (niveau de priorité 1). Suivent l’Inde et la Turquie (niveau de priorité 2), puis l’Argentine, le Brésil, l’Équateur, l’Indonésie, la Malaisie, le Nigéria, l’Arabie saoudite et la Thaïlande (niveau de priorité 3) (p. 9 du Rapport). Les efforts et les manquements de ces États dans la lutte contre la contrefaçon sont décrits dans le rapport de la Commission.

Ne cessons pas de rappeler que la législation chinoise sur la propriété intellectuelle est en constante évolution depuis l’accession de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, en 2001. Néanmoins, la Commission rappelle que la part de la Chine dans le total des contrefaçons liées au commerce électronique est de 76 % (p. 21). Au demeurant, des difficultés persistent ayant, pour origines, l’imprécision et l’incomplétude de la loi et, pour conséquence, une insécurité juridique indigne de la deuxième puissance économique mondiale. Des titulaires de droits de propriété intellectuelle s’inquiètent notamment d’une application discriminante de la loi au détriment des entreprises étrangères (p. 19). De manière récurrente, ils soulignent un manque de cohérence dans l’application de la loi (p. 19), et ce en dépit des multiples interprétations de la cour suprême (v. spéc. p. 17) qui, en principe, s’imposent aux juridictions subalternes. La Commission confirme également une conséquence attendue de la Belt and Road Initiative (BRI), à savoir l’externalisation de la fabrication de contrefaçons vers des pays plus proches des marchés européens afin de réduire davantage encore le coût de la fabrication (p. 22). Enfin, plus spécialement, les titulaires de droits avancent des difficultés dans la lutte contre la contrefaçon résultant du commerce en ligne :

« En ce qui concerne l’environnement en ligne, certaines parties prenantes font état de récents succès considérables dans les retraits en ligne, mais le respect des droits de propriété intellectuelle en ligne reste difficile, en raison notamment des règles complexes et divergentes des prestataires de services en ligne (ndlr : plateformes de marché et média sociaux). Un autre défi auquel les titulaires de droits sont confrontés consiste dans la collecte de preuves, car de nombreux parquets ou tribunaux refusent les preuves numériques. Les médias sociaux sont mentionnés comme un sujet de préoccupation croissant. Les parties prenantes considèrent que les mesures prises sont insuffisantes et que les contrefacteurs utilisant des plateformes en ligne vendent et livrent des petits colis en gros volumes tout en évitant les mesures résultant de l’application de la loi. Les parties prenantes considèrent que la Chine devrait améliorer les sanctions pénales pour les atteintes aux DPI et favoriser une meilleure collaboration entre les différentes autorités chargées de l’application des droits, et adopter des mesures pour décourager efficacement les contrevenants récidivistes.
De plus, en ce qui concerne les moyens de faire respecter les DPI en Chine, les différences et les incohérences entre les différentes provinces et villes restent un problème. Les parties prenantes rapportent qu’en général, les normes de l’administration et des tribunaux dans des villes comme Pékin, Shenzhen ou Shanghai sont plus satisfaisantes et s’attendent à ce qu’elles s’améliorent encore. Cependant, le manque d’expertise continue d’être un problème sérieux dans les provinces les moins développées de Chine.
Les parties prenantes signalent également que différents éléments affectent l’efficacité de l’exécution judiciaire, tels que les lourdes exigences en matière de preuve et l’exigence de notarisation. Dans l’ensemble, les parties prenantes signalent que les exigences coûteuses et lourdes en matière de litiges civils contrastent avec les faibles dommages-intérêts accordés ». (p. 23).

Ainsi, les questions de preuve posent problème. Exiger du titulaire des droits qu’il quantifie le gain financier réalisé par le contrefacteur constitue une preuve impossible (probatio diabolica) que seul le contrefacteur et les places de marché concernées sont capables de fournir.

Le système chinois de propriété intellectuelle est en place et, le pragmatisme chinois aidant, la culture de la propriété intellectuelle s’est diffusée dans les cercles d’affaire et au-delà. Une vingtaine d’années après l’accession de la Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce, le temps de l’indulgence a expiré et c’est très légitimement que les investisseurs étrangers peuvent attendre des autorités chinoises des mesures exemplaires pour la protection des droits de propriété intellectuelle.