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Louboutin c. Amazon : la CJUE ouvre la voie à la responsabilité d’Amazon pour contrefaçon de marque


Amazon vend directement et indirectement. Lorsqu’elle vend directement, elle le fait en son nom et pour son propre compte. Quand elle vend indirectement, elle s’appuie sur des tiers vendeurs auxquels elle offre un soutien dans la présentation des annonces et propose de prendre en charge le stockage et l’expédition des biens. Les résultats d’une requête sur les sites Amazon apparaissent indifféremment de leur provenance, de sorte que le consommateur ignore si tel bien est vendu directement par Amazon ou par un tiers. C’est notamment ce mode de présentation uniforme que le créateur Christian Louboutin reproche à Amazon dans le cadre d’actions en contrefaçon de marques en cours devant des juridictions du Luxembourg et de Belgique, ces dernières ayant décidé de surseoir à statuer dans l’attente de réponse à des questions préjudicielles.

Les affaires ont donc été portées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), amenée à s’interroger via des questions préjudicielles sur une possible responsabilité pour contrefaçon d’Amazon qui serait causée par l’usage de l’illustre marque-couleur correspondant au code Pantone 18–1663TP (rouge chinois). D’où la question : de quels usages parle-t-on ? D’une part, l’usage de la marque dans le cadre d’une publicité commerciale, la marque étant affichée de manière indifférenciée, obstruant ainsi la transparence quant à l’origine des produits. D’autre part, l’usage de la marque à l’occasion du stockage et lors de l’expédition, par Amazon, de produits contrefaisants revêtus de ladite marque et vendus par des tiers.

Le 22 décembre 2022, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a ouvert la voie à la responsabilité d’Amazon pour contrefaçon de marque :

« l’exploitant d’un site Internet de vente en ligne intégrant, outre les propres offres à la vente de celui-ci, une place de marché en ligne est susceptible d’être considéré comme faisant lui-même usage d’un signe identique à une marque de l’Union européenne d’autrui pour des produits identiques à ceux pour lesquels cette marque est enregistrée, lorsque des vendeurs tiers proposent à la vente, sur cette place de marché, sans le consentement du titulaire de ladite marque, de tels produits revêtus de ce signe, si un utilisateur normalement informé et raisonnablement attentif de ce site établit un lien entre les services de cet exploitant et le signe en question, ce qui est notamment le cas lorsque, compte tenu de l’ensemble des éléments caractérisant la situation en cause, un tel utilisateur pourrait avoir l’impression que c’est ledit exploitant qui commercialise lui-même, en son nom et pour son propre compte, les produits revêtus dudit signe. Sont pertinents à cet égard les faits que cet exploitant recourt à un mode de présentation uniforme des offres publiées sur son site Internet, affichant en même temps les annonces relatives aux produits qu’il vend en son nom et pour son propre compte et celles relatives à des produits proposés par des vendeurs tiers sur ladite place de marché, qu’il fait apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’il offre aux vendeurs tiers, dans le cadre de la commercialisation des produits revêtus du signe en cause, des services complémentaires consistant notamment dans le stockage et l’expédition de ces produits » (CJUE, 22 décembre 2022, Christian Louboutin c. Amazon, C‑148/21 et C‑184/21).

Ainsi, la CJUE ouvre la voie à la reconnaissance de la responsabilité d’Amazon pour contrefaçon de marque. Sous certains aspects, les faits sont relativement proches de ceux qui ont donné lieu à l’arrêt Coty II (CJUE, Coty c. Amazon, 2 avril 2020, C‑567/18), que nous avions fortement réprouvé (iptwins.com, 2020-04-08). La différence se situe dans le rôle d’Amazon quant à l’expédition des produits. En effet, dans un cas, les biens étaient expédiés par un tiers (arrêt Coty II), tandis que dans l’autre, ils l’étaient par Amazon (Christian Louboutin c. Amazon). Il résulte de l’arrêt Coty II que la responsabilité de la société Amazon ne peut être engagée lorsqu’elle se charge du stockage mais pas de l’expédition. Dans son arrêt du 22 décembre 2022 (Christian Louboutin c. Amazon), la CJUE indique expressément que la mise à la disposition aux tiers vendeurs de services complémentaires constituent des faits pertinents dans la reconnaissance de l’usage de la marque par Amazon, y compris le stockage et l’expédition. Le paragraphe 23 de l’arrêt de ce même arrêt fait également référence aux « services complémentaires consistant à fournir [aux tiers vendeurs] un soutien dans la présentation de leurs annonces » (CJUE, 22 décembre 2022, Christian Louboutin c. Amazon, C‑148/21 et C‑184/21). Il aurait été opportun d’ajouter ce « soutien dans la présentation des annonces » au sein même de la réponse à la question préjudicielle, de manière à écarter tout équivoque et à faciliter la lutte contre la contrefaçon en ligne.