Peut-on revendiquer un droit de propriété sur le nom d’une légende multiséculaire ? La question s’est posée dans une procédure UDRP administrée sous l’égide du Forum (Forum, FA2201001980168, Robinhood Markets, Inc. v. Sven Dahlmeier, February 16, 2022, <robinhood.shop>, transfer, sole panelist Eugene Low) et concernant le nom « Robin Hood ». Il suffit d’interroger la base de données de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (Global Brand Database : ompi.int) pour se rendre compte que quelques centaines de marques reproduisant le nom du célèbre personnage coexistent. Il suffit de veiller à ne pas empiéter sur la propriété des uns et des autres en tenant compte des limites imposées par les principes de spécialité et de territorialité, au besoin en ayant recours au contrat de coexistence.
En l’espèce, le demandeur était la société Robinhood Markets, Inc, titulaire de marques « ROBINHOOD » enregistrées depuis plusieurs années aux États-Unis, en particulier pour des services financiers. Quand au défendeur, il s’agissait d’une personne physique se présentant comme résidant en Indonésie. D’après les faits et prétentions des parties, tels qu’ils sont exposés dans la décision FA2201001980168, le défendeur avait acquis le nom de domaine <robinhood.shop> en juillet 2021. Le titulaire précédent l’aurait utilisé pour promouvoir des services d’investissement dans le domaine de la cryptomonnaie. Selon le demandeur, cette utilisation aurait été prolongée après l’acquisition du nom de domaine, circonstance pouvant conduire à la démonstration de la mauvaise foi. Toutefois, cette assertion était contestée par le défendeur qui affirmait, au contraire, que le nom de domaine était utilisé pour promouvoir des biens destinés aux enfants.
Les circonstances appelaient à résoudre deux questions. D’une part, à quel moment la bonne ou mauvaise foi du défendeur doit-elle être appréciée ? Les principes UDRP posent la règle selon laquelle le demandeur doit prouver que le défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi. La bonne ou mauvaise foi du défendeur doit être appréciée en deux temps : celui de l’enregistrement et celui de l’utilisation.
S’agissant du premier, la notion d’ « enregistrement » est étendue à celle de « prise de contrôle effectif », ce qui permet d’inclure notamment l’acquisition d’un nom de domaine créé auparavant. C’est ainsi qu’en l’espèce, le tiers-décideur a justement apprécié la bonne ou mauvaise foi du défendeur au jour de l’acquisition du nom de domaine. En revanche, l’appréciation est contestable. En effet, pour retenir la mauvaise foi, le tiers-décideur a considéré, d’une part, que le défendeur connaissait la marque américaine ROBINHOOD du demandeur. Certes, en vertu de l’article 2 des Principes UDRP, il appartient à celui qui enregistre (ou qui acquiert) un nom de domaine de procéder à une recherche d’antériorité visant à s’assurer que le nom de domaine ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Or, en l’occurrence, comme évoqué précédemment, il existe des centaines de marques « ROBIN HOOD ». En outre, le caractère notoire de la marque n’a pas été revendiqué, malgré la présence d’un élément d’extranéité dans le dossier. Dans ces circonstances, contrairement à la solution retenue, il n’est pas certain que le défendeur, résident en Indonésie, pays dans lequel la marque du demandeur ne semble pas être enregistrée, avait effectivement connaissance de cette dernière. En outre, pour justifier sa décision, le tiers-décideur ajoute que le demandeur avait notifié l’ancien propriétaire du nom de domaine quant à ses droits sur la marque ROBINHOOD. L’hypothèse d’une collusion entre le cédant et le cessionnaire, au demeurant non évoquée dans la décision, est toujours plausible. Toutefois, rien n’indique que l’acquéreur ait eu effectivement connaissance de ladite notification. Par conséquent, à défaut de preuve contraire, la présomption d’acquisition de bonne foi devait s’imposer. Au demeurant, certains contrats de cession de noms de domaine comportent des clauses de jouissance paisible dont l’acquéreur pourrait se prévaloir, le cas échéant.
S’agissant du second temps, le demandeur doit prouver que le défendeur utilise le nom de domaine de mauvaise foi au jour du dépôt de la plainte. Comme on l’a rappelé récemment, la preuve est libre (iptwins.com, 2022-01-13). En l’espèce, le demandeur a, selon toutes vraisemblances, démontré que le nom de domaine était redirigé vers une page offrant des services de cryptomonnaie, sans plus de détails. Le défendeur a contesté l’authenticité des preuves, excipant de leur antériorité à l’acquisition du nom de domaine. Toutefois, les preuves produites sont présumées valables, et ce de manière réfrangible de sorte qu’il suffisait eu défendeur, qui soutenait utiliser le nom de domaine pour promouvoir des articles pour enfants, de fournir des documents attestant d’une telle utilisation, ce qui aurait prouver sa bonne foi.