Version PDF : 22-01-06-iptwins-revue-FR
1. Les modes alternatifs de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine sont nomenreux et variés. La transaction menée en cours de procédure extrajudiciaire en est une. Diverses raisons peuvent engager le propriétaire d’une marque sur cette voie. C’est tout particulièrement le cas lorsque le défendeur démontre, de manière irréfragable, qu’il détient un droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine. En pareille situation, la plainte serait vouée à l’échec et l’option relevant de la transaction paraîtrait s’imposer. On peut deviner que ce fut le cas, par exemple, dans l’affaire concernant le nom de domaine <youchooseyourgift.com>, et ce en raison du caractère indubitablement descriptif de la marque (WIPO, D2021-3212, Choose-your-gift.com LLC, <youchooseyourgift.com>, terminated). Dans le même ordre d’idée, on voit mal comment des plaintes visant respectivement les noms de domaine <luxury-magazine.eu>, d’une part, et <luxuryauction.com> et <luxuryauctions.com>, d’autre part, auraient pu aboutir en faveur des demandeurs (WIPO, DEU2021-0028, Black Card LLC v. Giuliano Canovese, Spiritual Sun Wellness and Spa Limited, December 28, 2021, <luxury-magazine.eu>, denied, sole panelist Nick J. Gardner ; Forum, FA2111001974395, Platinum Luxury Auctions LLC v. Sherman L. Ragland, II, December 28, 2021, <luxuryauction.com> and <luxuryauctions.com> , denied, sole panelist Paul M. DeCicco).
2. La transaction conclue en cours de procédure extrajudiciaire est relativement fréquente. En voici quelques exemples récents, à la cavalcade : WIPO, DNL2021-0056, OANDA Corporation, <oanda.nl>, Terminated ; WIPO, DAU2021-0030, Ethique Limited, <ethique.com.au>, Terminated ; WIPO, D2021-3414, Tradera Sweden AB, <tradera.org>, Terminated ; WIPO, D2021-3742, Comité national olympique et sportif français, <chamonix1924.com>, Terminated ; WIPO, D2021-3403, Laboratoires Expanscience, <laboratoires-expanscience.com>, Terminated ; WIPO, D2021-3995, Banque De France, <banque-de-france.com>, Terminated ; WIPO, D2021-3607, Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG, <porsche-lifestyle.com>, Terminated ; WIPO, D2021-3688, LEA Nature Services, <leanature.net> and <leanature.org>, Terminated ; WIPO, D2021-3695, LIBBS Farmacêutica Ltda., <libbs.com>, Terminated). Compte tenu du caractère confidentiel de la transaction, il n’est pas possible ni même souhaitable de connaître les concessions faites de part et d’autre. Cependant, dans la grande majorité des cas, la raison est de nature financière. En effet, si le défendeur consent à transférer le nom de domaine à titre gratuit ou moyennant le paiement d’une une somme raisonnable, le demandeur peut avoir intérêt à retirer sa plainte. C’est tout particulièrement le cas si la plainte, soumise au Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), est retirée avant la formation de la commission administrative. En pareille situation, l’OMPI rembourse une partie des frais engagés au jour de la soumission de la plainte, dont le montant varie en fonction du travail accompli par le centre (v. Barème des taxes applicables aux principes UDRP : ompi.int).
3. L’adage « qui ne dit mot consent » ne s’applique pas ! Dans l’affaire Forum FA2111001974940, concernant le nom de domaine <tiktok.sa.com>, le défendeur espérait conserver ce dernier en faisant valoir qu’il avait préalablement sollicité une autorisation auprès de la société Bytedance Ltd., propriétaire de la marque « Tik Tok ». Celle-ci n’ayant pas répondu, le défendeur s’était senti libre de créer et utiliser ledit nom de domaine (Forum, FA2111001974940,Bytedance Ltd. v. Redacted for Privacy / Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf, December 24, 2021, <tiktok.sa.com>, transfer, sole panelist Darryl C. Wilson).
4. La société Niantic a été contrainte d’engager une procédure UDRP afin d’obtenir le transfert du nom de domaine niantic.careers. Cette extension fut au coeur de plusieurs procédures au cours de l’année 2021 (WIPO, D2021-2155, Klarna Bank AB v. Withheld for Privacy Purposes, Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf / Gabriella Garlo, August 24, 2021, <klarna.careers>, transfer, panelist Martin Schwimmer ; WIPO, D2021-1165, Callaway Golf Company v. Withheld for Privacy Purposes, Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf / Anthony Fulce, Callaway Golf, May 24, 2021, <callawaygolf.careers>, transfer, panelist Colin T. O’Brien ; WIPO, D2021-2654, Sandbox Studio, LLC v. Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf / Daniel Matthew, Deckers Brands, October 6, 2021, <creativedrive.careers>, transfer, sole panelist Harrie R. Samaras ; WIPO, D2021-3629, Sandbox Studio, LLC v. Robert carpi, December 14, 2021, <creativedrives.careers>, transfer, sole panelist Ingrīda Kariņa-Bērziņa ; WIPO, D2021-1428, Virgin Enterprises Limited v. Withheld for Privacy Purposes, Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf / Daniel Kim, July 12, 2021, <virginpulse.careers>, transfer, sole panelist Andrea Mondini ; WIPO, D2021-2885, Equinor ASA v. Withheld for Privacy Purposes, Privacy Service Provided by Withheld for Privacy ehf / Gabriella Garlo, December 8, 2021, <equinor.careers>, transfer, sole panelist Federica Togo ; WIPO, D2021-2270, Regeneron Pharmaceuticals, Inc. v. Privacy service provided by Withheld for Privacy ehf / Gabriella Garlo, October 6, 2021, <regeneron.careers>, transfer, sole panelist Benoit Van Asbroeck). Il pourrait être judicieux de s’assurer du contrôle de l’extension .careers, de même que .career, .jobs ou encore .hr (Croatie).
5. Nous le répétons incessamment dans ces colonnes : le gestionnaire de portefeuilles de noms de domaine doit consacrer une attention consciencieuse aux extensions spécialement créées pour le secteur d’activité de la marque concernée. Dans notre sélection mensuelle précédente, nous évoquions le cas du nom de domaine <notchup.agency>, récupéré par une agence de publicité (iptwins.com, 2021-12-03, n° 3). C’est un cas similaire, parmi tant d’autres, qui faisait l’objet de la procédure CAC UDRP 104089, concernant le nom de domaine <paysend.money>, identique à la marque « PAYSEND », enregistrée pour des services financiers (CAC, UDRP, 104089, PaySend Group Limited v. Anatolii Lenchenko, 2021-12-15, <paysend.money>, transfer, sole panelist Anthony Gold). Voilà bien un nom de domaine que la société demanderesse sera heureuse de conserver et de faire fructifier.
6. Dans le même ordre d’idée, la société Bouygues, qui oeuvre dans plusieurs secteurs, dont celui de la construction, a dû engager une procédure afin d’obtenir le transfert du nom de domaine <bouygues-construction.construction> (CAC, UDRP, 104160, Bouygues v. Bouchon Marlene, 2021-12-14, <bougues-construction.construction>, transfer, sole panelist Vojtěch Trapl). Le choix de ce nom de domaine n’est pas le fruit du hasard puisque le nom de domaine institutionnel de cette branche du groupe Bouygues est <bouygues-construction.com>. Nul ne pouvait deviner qu’un cybersquatteur créerait un nom de domaine tel que celui-ci. Pour une société aux multiples talents telle que Bouygues, il est judicieux, tant sur le plan commercial que juridique, de s’assurer du contrôle des noms de domaine stratégiques pour chacun des nombreux secteurs d’activité, dont <bouygues.construction>, entre autres.
7. Toujours à propos des extensions, il importe de garder un oeil sur celles ayant trait à la vente, dont .SALE, particulièrement pendant les fêtes de fin d’année. En effet, de telles extensions facilitent la confusion dans l’esprit du public, pouvant ainsi placer les contrefacteurs dans une situation confortable. L’affaire OMPI D2021-3505 en est une parfaite démonstration. La société Gibson, célèbre fabricant de guitares, a été amenée à engager une procédure UDRP pour récupérer le nom de domaine <gibson.sale>, utilisé pour vendre des contrefaçons (WIPO, D2021-3505,Gibson Brands, Inc. v. Withheld for Privacy ehf / I y, December 17, 2021, <gibson.sale>, transfer, sole panelist Dawn Osborne), nom qui aurait pourtant dû être enregistré au préalable, par précaution et parce qu’il est nécessaire de se soucier à la fois de l’image de marque et du consommateur. En d’autres termes, les noms de domaine les plus intuitifs ne peuvent être abandonnés aux cybersquatteurs et aux contrefacteurs. En revanche, le cybersquatting du nom de domaine <gibson-guitars.club> était relativement moins prévisible (WIPO, D2021-3656, Gibson Brands, Inc. v. Super Privacy Service LTD c/o Dynadot. / Wills Eldren, December 27, 2021, <gibson-guitars.club>, transfer, sole panelist John C. McElwaine).
8. .IO n’est pas une nouvelle extension. Néanmoins, ce ccTLD alloué au Territoire britannique de l’océan Indien (British Indian Ocean Territory) a le vent en poupe. Dernièrement, c’est Bayerische Motoren Werke AG (BMW) qui a dû engager une procédure pour le nom de domaine <bmw.io> (WIPO, DIO2021-0012,Bayerische Motoren Werke AG v. Domain Privacy Ltd/ DNS Admin, October 1, 2021, <bmw.io>, transfer, sole panelist Steven A. Maier), pour ne prendre qu’un exemple récent, parmi tant d’autres.
9. Le typosquatting est le fait de créer ou d’acquérir un nom de domaine quasi-identique à une marque dans le but d’en tirer un profit quelconque. Cette pratique constitue la forme de cybersquatting la plus pernicieuse. D’une part, les innombrables combinaisons de caractères (ascii et non-ascii) rendent les possibilités de typosquatting infinies. Autrement dit, en l’état actuel du droit, abolir le typosquatting est illusoire. D’autre part, le risque de confusion peut-être suffisamment élevé pour craindre des tentatives d’escroquerie en tout genre (hameçonnage en premier lieu) ou de la vente de marchandises de contrefaçon. Les affaires OMPI D2021-3652 et D2021-3620, qui concernent des cas de typosquatting associés à l’usurpation présumée de l’identité d’un ou plusieurs tiers, présentent les symptômes d’une possible escroquerie (WIPO, D2021-3620, Compagnie de Saint-Gobain v. Name Redacted, December 16, 2021, <saint-qobain.com>, transfer, sole panelist Fabrizio Bedarida : WIPO, D2021-3652, Compagnie De Saint-Gobain v. Name Redacted, December 16, 2021, <saintqobain.com>, transfer, sole panelist Fabrizio Bedarida). Dans la même veine, on mentionnera également le nom de domaine <boehringer-ingeheim.org>, qui ne diffère de la marque « Boehringer Ingelheim » que par l’absence de la lettre « L » (CAC, UDRP, 104178, Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co.KG v. khalid chemicals, 2021-12-19, <boehringer-ingeheim.org>, transfer, sole panelist Hana Císlerová).
10. Lorsque les circonstances le permettent, il est possible et même souhaitable de soumettre une plainte unique visant plusieurs noms de domaine. Ainsi, dans l’affaire D2021-3201, la société Facebook, propriétaire des marques « OCULUS » et « QUEST », a engagé une procédure concernant trente-cinq noms de domaine. Conformément à une jurisprudence constante, la société demanderesse devait démontrer que, malgré l’identification d’une pluralité de défendeurs, ces noms de domaine étaient, en réalité, contrôlés par la même personne (para. 4.11.2, WIPO Jurisprudential Overview 3.0). En l’espèce, pour accorder la consolidation dans une procédure unique, le tiers-décideur a retenu les éléments suivants : i) la forte similitude des sites désignés par les noms de domaine ; ii) la courte période pendant laquelle les noms de domaine ont été créés, étant précisé que de nombreux noms partagent le même date de création ; iii) trente-quatre noms de domaine ont été créés via le même bureau d’enregistrement ; iv) les noms de domaine reproduisent les marques OCULUS et/ou QUEST ; v) la composition des noms de domaine, chacun reproduisant une ou deux marques en association avec un terme générique (« buy », “clearance”, « sale », « deals », « vr ») (WIPO, D2021-3201, Facebook Technologies, LLC v. Super Privacy Service LTD c/o Dynadot / wills eldren, Theda Folkerts, et al., December 6, 2021, transfer, sole panelist Lynda M. Braun).
11. La société danoise Arla Foods Amba, fondée en 2000, a été contrainte d’engager une procédure cnDRP pour récupérer le nom de domaine <arlafoods.org.cn> (HKIAC, DCN-2101018, Arla Foods Amba v. Wu Yanrong / 吴艳荣, December 14, 2021, <arlafoods.org.cn>, transfer, sole panelist Shirley Lin). Sur le fond, la demanderesse faisait valoir ses droits sur ses marques internationales désignant la Chine et sur ses noms de domaine, dont <arlafoods.cn> (Chine). Arla Foods Amba n’a donc eu aucune difficulté à obtenir le transfert du nom de domaine. Sur le plan procédural, Pour rappel, la procédure chinoise, dite cnDRP, prévoit un délai de prescription de trois ans à compter de la création ou de l’acquisition du nom de domaine (s’agissant de l’acquisition, v. iptwins.com, 2020-12-06). En l’espèce, le nom de domaine avait été créé en novembre 2020, soit environ un an avant le début de la procédure, ce qui correspond au délai moyen de réaction des propriétaires de marque (iptwins.com, 2020-11-30). Enfin, méfions-nous des noms de domaine de troisième niveau, en particulier en Chine : .com.cn, .net.cn ou encore .org.cn. Arla Foods Amba a également obtenu le transfert, au Royaume-Uni, du nom de domaine <arlaafoods.co.uk> (Nominet, Summary Decision D00024134, Arla Foods Amba and 256 Digital Agency, 2 December 2021, <arlaafoods.co.uk>, transfer, sole panelist Jason Rawkins). Rien ne permet d’affirmer, en l’espèce, que les défendeurs dans les procédures chinoise et britannique soient, en réalité, la même personne. Cependant, une telle situation peut se présenter et, compte tenu de la similarité des principes et règles régissant les règlement extrajudiciaires des noms de domaine, il ne serait pas vain de mener une réflexion sur la jonction de procédures en présence de noms de domaine régis par différents règlements.
12. Eu égard aux domaines de troisième niveau chinois, les décisions du CIETAC offrent de nombreux exemples récents, dont les affaires CIETAC, CND-2021000042,爱萃科公司(ATRECA, INC.) v. 刘美生, 2021-12-31, <atreca.com.cn>, transfer, sole panelist 霍爱民 et CIETAC, CND-2021000053, 嘉莉慧芭国际股份公司(GERRY WEBER INTERNATIONAL AG) v. 王晓文, 2021-12-27, <atreca.com.cn>, transfer, sole panelist 李勇.
13. La société française Établissements Sogal a obtenu le transfert du nom de domaine <sogal.co.uk>. Pour rappel, la DRS Policy n’attend pas du demandeur qu’il soit propriétaire d’une marque enregistrée au Royaume-Uni (Nominet DRS Policy : nominet.uk), pas plus que les règles régissant l’enregistrement des noms de domaine britanniques, à tout le moins pour le .co.uk et le .uk (Nominet Registration Rules : nominet.uk). Cependant, il n’en demeure pas moins que le demandeur doit établir l’existence de ses droits antérieurs. En l’espèce, le tiers-décideur a considéré, entre autres arguments, qu’au regard du chiffre d’affaires de la société demanderesse, cette dernière avait acquis des droits, bien que non enregistrés au Royaume-Uni, sur le nom « SOGAL ». En outre, l’article 5.3 de la DRS Policy prévoit que « la mauvaise foi du défendeur est présumée s’il est prouvé que le défendeur a effectué des enregistrements abusifs dans trois affaires DRS au cours des deux années précédant le dépôt de la plainte » (Paragraphe 5.3, Nominet DRS Policy : nominet.uk). La preuve de tels antécédents ayant été apportée, la mauvaise foi a été retenue et le nom de domaine, transféré (Nominet, DRS D00024177, Établissements Sogal v. Fundacion Comercio Electronico, 22 December 2021, <sogal.co.uk>, transfer, sole panelist Mark de Brunner).
14. De prime abord, le transfert du nom de domaine <digi-key.hk> (Hong Kong) décidé à l’issue de la procédure HKIAC DHK-2100185 peut susciter la curiosité tant les composantes du nom de domaine renvoient à la description d’un produit (une clé numérique). Toutefois, les circonstances ont démontré que l’utilisation illicite du nom de domaine par le défendeur interdisait à ce dernier de se prévaloir d’un quelconque droit ou intérêt légitime. En effet, le défendeur utilisait le nom de domaine de manière frauduleuse (sollicitations commerciales de tiers par l’envoi d’emails incluant l’adresse postale de la société demanderesse) (HKIAC, DHK-2100185, Digi-Key Corporation v. Digi-Key Electronics Asia Pacific Limited, December 14, 2021, <digi-key.hk>, transfer, sole panelist Nathalie Dreyfus). Ajoutons que, selon une jurisprudence constante, l’utilisation illicite d’un nom de domaine ne peut jamais conférer de droit ou intérêt légitime à son titulaire (para. 2.13 WIPO Jurisprudential Overview).
15. L’une des règles d’or de la gestion de portefeuilles de marques et de noms de domaine consiste à être propriétaire de la marque et du nom de domaine correspondant, la marque et le nom de domaine étant inséparables (d’où « IP Twins »). Ainsi, le dépôt d’une marque italienne doit être concomitant avec l’enregistrement du nom de domaine identique à l’élément verbal de ladite marque. L’importance de la règle s’explique pour au moins deux raisons : la nécessité de recourir au nom de domaine sur le plan marketing et la sécurisation juridique du nom de domaine. L’affaire itDRP concernant le nom de domaine <dessere.it> en est une parfaite illustration. La société italienne Solgar, propriétaire de marques italiennes comportant l’élément verbal « Bendessere », déposées en 2016, avait omis d’enregistrer le nom de domaine <bendessere.it> qui, par conséquent, fut créé par un tiers en 2020. S’en est suivi une procédure itDRP à l’issue de laquelle, il convient de s’en réjouir, la société Solgar a obtenu le transfert du nom de domaine (CRDD, Solgar Italia – Multinutrient s.p.a. v. iberAdv S.r.l.s, 13 dicembre 2021, <bendessere.it>, transfer, sole panelist Francesca d’Orsi).
16. Toujours en Italie, un litige fratricide est survenu autour du nom de domaine <vincenzoattolini.it>, identique au nom patronymique de M. Vincenzo Attolini, mais enregistré par la société MTZ International S.r.l., gérée par ses frères MM. Giuseppe et Massimiliano Attolini. Le nom de domaine litigieux était redirigé vers le site <cesareattolini.com>. Sur le plan procédural, on relèvera deux points. Premièrement, le tiers-décideur a maintenu sa compétence malgré l’existence d’une procédure judiciaire devant une juridiction napolitaine. Secondement, la question de l’acceptation de la réponse, soumise tardivement, a été soulevée. En l’absence de demande de prorogation et à défaut d’explications susceptibles de justifier ce retard, le tiers-décideur a considéré que la réponse ne devait pas être prise en considération. Sur le fond, il a été décidé, d’une part, que MM. Giuseppe et Massimiliano Attolini ne disposaient d’aucun droit sur le prénom « Vincenzo » et, d’autre part, que la redirection du nom de domaine litigieux vers le site de la société défenderesse visait à empêcher le demandeur d’exploiter ses prénom et nom de manière commerciale. Tels sont les motifs qui ont conduit au transfert du nom de domaine (PSRD, Vincenzo Attolini v. MTZ International S.r.l., 21 dicembre 2021, <vincenzoattolini.it>, transfer, sole panelist Noemi Ruda). Sur certains aspects, ce conflit rappelle les affaires « Inès de la Fressange » et « Ducasse », de l’autre côté des Alpes. Quoiqu’il en soit, il sera intéressant de suivre le volet judiciaire de cette affaire, en cours devant le tribunal de Naples.
17. Voilà plus de dix ans que la société italienne Mondadori Media S.p.a., propriétaire de la marque « Grazia » désignant un journal fondé en 1938, tente de mettre la main sur le nom de domaine <grazia.net>, enregistré en 1998 par une personne physique prénommée Graziella. Sur certains aspects, ce litige-là pourrait rappeler, toujours de l’autre côté des Alpes, celui que les juristes français connaissent sous le nom d’affaire « Milka.fr ». Après avoir saisi le juge italien en 2010, Mondadori Media a obtenu gain de cause en 2020. Cependant, après dix ans de procédure, le transfert du nom de domaine n’a jamais eu lieu. C’est dans ces circonstances que Mondadori Media a initié une procédure UDRP dont la décision a été rendue le 27 décembre 2021 (CAC, UDRP, 104163, Mondadori Media S.p.a. v. Grazia Visconti, 2021-12-27, <grazia.net>, transfer, sole panelist Ivett Paulovics). On y apprend que la société italienne n’a jamais réussi à obtenir le code d’authentification (ou auth-code), mot de passe nécessaire à la réalisation du transfert d’un nom de domaine. Une telle situation surprend compte tenu des moyens de coercition disponibles en droit italien pour faire exécuter un jugement définitif. Sans surprise, la procédure extrajudiciaire s’est soldée par une décision de transfert. Sur le terrain de la procédure, on observera que celle-ci s’est déroulée en anglais, un autre effet de surprise puisque les parties échangent leurs arguments en italien depuis plus de dix ans.