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Accords de distribution et noms de domaine

Tout accord de distribution doit impérativement comporter des stipulations claires et précises sur l’utilisation des marques, y compris sous la forme de noms de domaine. Il n’est pas rare que l’exécution d’un contrat de distribution donne lieu à un conflit portant, en tout ou partie, sur l’utilisation d’un nom de domaine. Ces conflits ont fait naître la jurisprudence dite Oki Data, d’après la décision OMPI D2001-0903 rendue en 2001 (WIPO, D2001-0903, Oki Data Americas, Inc. v. ASD, Inc., November 6, 2001). Afin que l’utilisation du nom de domaine par le défendeur soit considérée légitime, les quatre conditions suivantes doivent être respectées, cumulativement :

  1. le défendeur doit effectivement offrir les biens ou services en cause ;
  2. le défendre doit utiliser le site pour vendre exclusivement les produits ou services désignés par la marque concernée ;
  3. le site doit signaler de manière précise et visible la relation entre le titulaire du nom de domaine et le propriétaire de la marque ; et
  4. le défendeur ne doit pas essayer de « monopoliser le marché » des noms de domaine reflétant la marque.

En fait, pour écarter toute ambiguïté, ces conditions devraient être clairement exprimées dans le contrat.

La jurisprudence Oki Data a récemment été appliquée dans l’affaire OMPI D2021-2368 (WIPO, D2021-2368, Vorwerk International AG v. Esther Gunawan, Elektrik Serbaguna, September 24, 2021). Le fournisseur et le distributeur étaient vraisemblablement liés par un contrat de distribution. Tout porte à croire que le fournisseur avait autorisé le distributeur à enregistrer le nom de domaine. Les conditions 1, 2 et 4 de la jurisprudence Oki Data étaient respectées. Toutefois, s’agissant de la troisième, le site ne signalait pas de manière précise et visible la relation entre le titulaire du nom de domaine et le propriétaire de la marque. La fonction de cette condition est de garantir, avec toute la clarté et la transparence requises, que les produits ou services offerts émanent effectivement, serait-ce indirectement, du propriétaire de la marque. En l’espèce, seule la mention suivante apparaissait : « TM31 a été interrompu, notre offre est donc très limitée », « TM31 » faisant référence au produit du fournisseur. Le tiers-décideur a jugé cette simple mention suffisante pour permettre au consommateur d’en déduire l’existence d’une relation contractuelle entre le fournisseur et le distributeur. À cet égard, le tiers-décideur emploie le verbe « suggérer » : « This would suggest to the average consumer that the Respondent is supplying another’s product ». Or suggestion n’est pas affirmation, de sorte qu’en se prononçant ainsi, le tiers-décideur assouplit la troisième condition. Selon lui, il suffit que le site litigieux n’induise pas les internautes en erreur quant à la relation entre le propriétaire de la marque et l’opérateur dudit site (citant l’affaire OMPI, D2011-1134, Karen Millen Fashions Limited v. Danny Cullen, September 24, 2011). Cette solution semble impliquer non plus la simple recherche d’un avertissement précis et visible, mais une analyse globale des circonstances de l’espèce.

Dans l’hypothèse où le fournisseur (et concédant) autorise le distributeur (et licencié) à utiliser un nom de domaine reproduisant la marque, il peut être préférable que le fournisseur procède lui-même à la création de ce nom de domaine et qu’il en garde le contrôle. De cette manière, la licence porte à la fois sur la marque et le nom de domaine, l’une étant indissociable de l’autre. En pareil cas, les conditions de suspension ou de retrait du nom de domaine, par le concédant, doivent être clairement précisées, de même que les sanctions en cas d’interruption non justifiée du service. En l’absence de telles stipulations, le sort du licencié dépendrait du bon vouloir du concédant. Les décisions arbitraires en serait facilitées, ce qui déséquilibrerait le contrat et le rendrait inéquitable.

Les principes de fonds et les règle de forme de l’UDRP résultent d’une offre erga omnes de règlement des litiges intégrée, par référence, dans le contrat d’enregistrement du nom de domaine. L’UDRP est donc de nature contractuelle. Dès lors, en présence de parties liées par une convention (par exemple, un contrat de distribution), des stipulations contractuelles peuvent entrer en conflit avec la règle prononcée dans la décision Oki Data. Dans ce cas, le tiers-décideur, qui retient sa compétence en dépit de l’existence d’une relation contractuelle entre les parties, est nécessairement amené à évaluer les droits et les intérêts légitimes revendiqués par le défendeur et la bonne ou mauvaise foi de ce dernier au regard des stipulations du contrat de distribution et non seulement des principes UDRP. Il est permis d’aller plus loin en considérant que le contrat de distribution, contrat principal, prévaut sur le contrat UDRP, accessoire.