La fin d’une licence portant sur des droits de propriété intellectuelle a pour effet de replacer les parties au statu quo ante. Cette fin est marquée par une date, celle de la résiliation ou, plus rarement de la résolution de contrat de licence. Un jour, le concessionnaire est autorisé à exploiter la propriété intellectuelle du concédant ; le lendemain, la poursuite de cette exploitation fait de lui un contrefacteur. Traverser cette phase sans achoppement requiert une attention méticuleuse. En témoigne ce litige né de la fin d’un contrat de licence entre les sociétés Normalu et interlignes deco.
La société Normalu, propriétaire de la marque BARRISOL, se présente comme le leader mondial dans son domaine : la fabrication et la commercialisation de plafonds tendus, fruits d’un savant et délicat mariage entre l’art et la technique et dont les œuvres architecturales suscitent l’émerveillement aux quatre coins de monde. Le développement de la marque Barrisol repose, entre autres, sur un réseau de distributeurs triés sur le volet. Ce qui implique l’attribution de licences de savoir-faire et de marques. C’est ainsi qu’en 1990, la société Normalu avait concédé à la société Interlignes Deco le droit de distribuer et installer ses produits, contrat qui fut résilié en 2014 à l’initiative du concédant.
Quelques mois après la fin effective du contrat, Normalu fit constater que l’ancien concessionnaire poursuivait l’exploitation, en ligne, de ses marques et de son nom commercial. Premièrement, une requête portant sur le groupe « interlignes deco barrisol » présentaient des résultats incluant, d’une part, le site d’Interlignes Deco et, d’autre part, sa page Facebook, laquelle contenait « des images reproduisant le signe BARRISOL » (selon les termes de l’arrêt de la cour d’appel : v. ci-dessous). Deuxièmement, le site de l’ancien concessionnaire « comportait un lien vers une vidéo dans laquelle le signe BARRISOL était reproduit de manière apparente » (id.). Troisièmement, le compte Youtube d’Interlignes Deco comprenait une vidéo faisant apparaître les marques de Normalu. C’est ainsi que la société Normalu fit assigner Interlignes Deco devant le tribunal de grande instance de Paris (c’était avant qu’il ne devienne le tribunal judiciaire) pour diverses atteintes à ses distinctifs. L’affaire a été portée devant la cour d’appel de paris qui a rendu son arrêt le 21 septembre 2021. Parmi les nombreux points qui appellent l’attention figure celui de la preuve de la renommée de la marque.
En première instance, la demande de la Normalu visant à faire reconnaître la renommée de la marque avait été rejetée au motif que la preuve de la renommée n’avait pas été apportée. Devant la cour d’appel, Normalu a renforcé son argumentaire et obtenu gain de cause sur ce point en démontrant l’ancienneté de la marque (certificats datant de 1985 et 1986), sa portée géographique (réseau de 1200 distributeurs dans 145 pays), une décision juridictionnelle antérieure ayant reconnu la renommée de la marque et une série d’éléments comptables dont le niveau des investissements publicitaires, ses parts de marché ou encore les dépenses liées à la protection de la propriété intellectuelle. La société Normalu a également fourni un sondage démontrant la renommée de la marque BARRISOL auprès des professionnels de la construction et du bâtiment. Cependant, ce sondage ayant été réalisé postérieurement à la date des faits incriminés, la cour a considéré qu’il ne pouvait être pris en considération dans l’appréciation de la renommée. Néanmoins, cela n’a pas suffi à rejeter la demande de Normalu, de sorte que la renommée de la marque BARRISOL a été retenue.
Cet arrêt a le mérite de rappeler la nécessite de constituer et d’alimenter régulièrement le dossier contenant les preuves de la renommée d’une marque.