Dans les litiges opposant, d’un côté, une entité administrative définie par des frontières géographiques (ville, région ou État) et, de l’autre, le titulaire d’un nom de domaine composé, en tout ou partie, du nom de cette entité administrative, les décisions extrajudiciaires issues du règlement régissant les domaines de premier niveau génériques (gTLD) sont rendues, de manière quasi-systématique, en faveur du défendeur.
Pour rappel, le succès d’une procédure UDRP repose sur la capacité, pour le demandeur, à démontrer, de manière cumulative, i) qu’il est titulaire d’une marque, ii) que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire à cette marque, iii) que le défendeur ne détient sur ledit nom de domaine aucun droit ou intérêt légitime, iv) qu’il a enregistré le nom de domaine de mauvaise foi et v) qu’il l’utilise de mauvaise foi.
Bien souvent, l’échec du demandeur tient à l’absence de marque. En pareille situation, la plainte UDRP est viciée dès le départ. En présence d’une marque, le demandeur demeure tenu de démontrer que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux et qu’il a agi de mauvaise foi. Le fardeau est lourd pour le demandeur, confronté à la probatio diabolica. C’est pourquoi la charge de la preuve est facilement renversée. Or, dans le contexte d’un litige portant sur un nom géographique, la défense trouve ses fondements dans les droits et libertés fondamentaux, à commencer par la liberté d’expression et la liberté du commerce. Tenter d’obtenir le transfert d’un tel nom de domaine via une procédure UDRP s’apparente à un rêve chimérique.
Récemment, la ville de Parramatta, dans la banlieue de Sydney, a initié une procédure visant le nom de domaine parramatta.com, enregistré en 2004 et acquis pour la dernière fois en 2012. Sans surprise, cette procédure s’est soldée par un échec (OMPI, D2021-0773, City of Parramatta Council v. Hayden Quarman, May 12, 2021). Pourtant, la ville de Parramatta se trouvait dans une position relativement favorable puisque, contrairement à la plupart des entités s’étant engagées dans de telles procédures en demandant le transfert d’un nom de domaine identique à un nom géographique. En effet, la demanderesse a brandi plusieurs marques comprenant la dénomination « Parramatta », dont l’une datant de 1983. Toutefois, le tiers-décideur a tenu, à bon escient, à préciser que cette marque était limitée dans sa portée, son certificat portant l’inscription : « L’enregistrement de cette marque ne confère aucun droit exclusif sur le nom géographique PARRAMATTA NSW« . De plus, le panéliste a ajouté qu’en tout état de cause, la demanderesse n’avait pas démontré que sa marque « Parramatta » avait acquis une signification propre. D’où il résulte que la demande a été rejetée. En outre, le panéliste a jugé inutile d’aborder les questions relatives au droit ou intérêt légitime, d’une part, et à la mauvaise foi, d’autre part. Les conditions étant cumulatives, certains panélistes considèrent qu’il serait superflu de prolonger le raisonnement. D’une certaine manière, c’est relativement regrettable car on aurait découvert que le défendeur se trouvait dans l’incapacité de démontrer un quelconque commencement de site Internet et, grâce à Archive.org, que le nom de domaine était à vendre au moins depuis l’année 2014, de quoi s’interroger sur les réelles motivations de son titulaire, manifestement éloignées d’une utilisation relevant honnêtement de la liberté d’expression ou de la liberté du commerce.