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Conséquences du Brexit sur les noms de domaine : .eu, ccTLDs des États membres de l’Union et autres geoTLDs

Quel est l’impact du retrait du Royaume-Uni sur les portefeuilles de noms de domaine des personnes physiques et morales britanniques ? Dans ce contexte, il paraît utile d’explorer les voies que les entreprises et les ressortissants non européens peuvent emprunter pour établir ou conserver une présence dans l’espace numérique européen. En effet, les ccTLDs de l’UE (.eu et .ею) ne sont qu’une strate du système de nommage de l’espace correspondant à l’Union. Il faut également tenir compte des politiques adoptées par les registres nationaux des États membres (ccTLDs) et par les registres des autres geoTLDs, en particulier les cityTLDs.

Les ccTLDs de l’Union européenne : .eu et .ею

Selon l’article 4(2)(b) du Règlement (CE) n° 733/2002 du Parlement européen et du Conseil du 22 avril 2002 concernant la mise en œuvre du domaine de premier niveau .eu (EUR-lex), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/517 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 concernant la mise en œuvre et le fonctionnement du nom de domaine de premier niveau .eu, modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 733/2002 et abrogeant le règlement (CE) n° 874/2004 de la Commission (EUR-lex), le registre “enregistre dans le TLD .eu, via tout bureau d’enregistrement .eu accrédité, les noms de domaine demandés par :

i) un citoyen de l’Union, indépendamment de son lieu de résidence ;

ii) une personne physique qui n’est pas un citoyen de l’Union et qui réside dans un État membre ;

iii) une entreprise établie dans l’Union ; ou

iv) une organisation établie dans l’Union, sans préjudice du droit national applicable.

Par conséquent, il ne fait aucun doute que les personnes physiques et morales britanniques ne sont plus éligibles aux .eu et .ею. La seule exception concerne les personnes physiques qui, bien que n’étant pas citoyennes européennes, résident dans l’un des États membres.

Le 20 novembre 2020, Eurid a dévoilé le calendrier définitif des conséquences du Brexit sur l’éligibilité des personnes morales et des ressortissants britanniques quant à l’enregistrement de noms de domaine dans les zones .eu et .ею :

« À compter du 1er janvier 2021, 00:00:00 CET, si vous n’avez pas démontré votre éligibilité dans le cadre réglementaire .eu, votre ou vos noms de domaine passeront au statut dit « SUSPENDU » jusqu’au 31 mars 2021. Un nom de domaine au statut « SUSPENDU » ne peut plus prendre en charge aucun service (tel que le site Web et le courrier électronique), mais peut toujours être rétabli si les données d’enregistrement sont mises à jour pour répondre aux critères d’éligibilité. Veuillez contacter votre registraire pour les mises à jour. Le 1er avril 2021, EURid informera à nouveau par e-mail tous les registrants britanniques et leurs bureaux d’enregistrement que leurs noms de domaine ne sont plus conformes au cadre réglementaire .eu et passent par conséquent au statut dit « RETIRÉ ». Un nom de domaine à l’état « RETIRÉ » ne peut prendre en charge aucun service. Veuillez contacter votre registraire pour les mises à jour. Le 1er janvier 2022, tous les noms de domaine au statut « RETIRÉ », anciennement attribués aux titulaires britanniques, seront REVOQUÉS et deviendront par la suite DISPONIBLES pour l’enregistrement général. Leur libération se fera par lots pour des raisons de sécurité » (eurid.eu, 2020-11-20).

Il importe également de rappeler que le recours à la pratique dite de « prête-nom » n’est pas autorisée en vertu de la section 5 de la Politique d’enregistrement des noms de domaines d’Eurid » (Eurid.eu).

Les ccTLDs de l’Union européenne n’étant plus disponibles pour les personnes physiques et morales britanniques (sauf l’exception visant les personnes physiques résidant sur le territoire de l’UE), existe-t-il des alternatives qui leur permettraient de maintenir une présence numérique, serait-elle partielle, sur le territoire de l’Union européenne ? Pour répondre à cette question, il convient de regarder, d’une part, du côté des ccTLDs des États membres et, d’autre part, des autres geoTLDs.

Les ccTLDs des États membres

Un ccTLD peut être considéré comme un attribut de la souveraineté de l’État qu’il désigne. Il en résulte que chaque État est libre d’édicter les règles d’éligibilité concernant l’accession aux noms de domaine créés dans la zone de son ccTLD. Il en résulte une certaine disparité dans les critères d’éligibilité.

Il convient de rappeler que le principe de libre circulation des biens s’applique évidemment aux noms de domaine. Par conséquent, lorsqu’elles existent, les restrictions territoriales ne peuvent pas s’appliquer aux entreprises et aux citoyens de l’Union européenne. A contrario, elles s’imposent aux personnes morales  n’ayant pas leur siège social dans l’Union et aux personnes physiques qui, selon les cas, ne bénéficient pas de la citoyenneté européenne ou ne résident pas dans l’un des États membres. Comme l’indique le tableau ci-dessous, de telles restrictions sont en vigueur dans un grand nombre d’États membres de l’Union européenne.



Ainsi, les personnes physiques (sauf exception indiquée ci-dessus) et morales britanniques pourront conserver les noms de domaine qu’elles détiennent dans certaines zones : l’Autriche (.AT), la Belgique (.BE), Chypre (.CY), le Danemark (.DK), l’Estonie (.EE), la Finlande (.FI), l’Allemagne (.DE), la Grèce (.GR and .ΕΛ), la Lithuanie (.LT), le Luxembourg (.LU), Malte (.MT), la Pologne (.PL), le Portugal (.PT), la Roumanie (.RO),  l’Espagne (.ES) ou encore la Suède (.SE).

Précisons que la Slovaquie (.SK) a modifié ses règles d’éligibilité de manière à garantir la continuité de l’accessibilité de son ccTLD aux personnes morales et physiques britanniques. Quant à la Croatie (.HR), seules les personnes morales demeurent éligibles à l’enregistrement de noms de domaine .HR, sur présentation d’un numéro d’identification délivré par les autorités britanniques.

Pour certaines autres zones, dont l’Irlande (.IE) et les Pays-Bas (.NL), le maintien des noms de domaine pourrait être assujetti à des conditions supplémentaires.

En revanche, le Brexit place de facto les Britanniques en dehors des critères d’éligibilité de plusieurs zones nationales, à savoir la Bulgarie (.BG), la République tchèque (.CZ), la France (.FR), la Hongrie (.HU), l’Italie (.IT) et la Lituanie (.LT).

Ces restrictions peuvent être levées, dans les cas où les registres l’autorisent, par le recours à la pratique du « prête-nom ». 

Le .ccTLD britannique .UK

Nominet, le registre briannique chargé de l’administration du .UK, n’envisage pas, à ce jour, de restreindre les conditions d’éligibilité pour l’accès aux noms de domaine britanniques. Le status quo est donc maintenu, de telle sorte que les personnes physiques et morales européennes demeurent éligibes à l’enregistrement de noms de domaine .UK dans les mêmes conditions qu’avant l’entrée en vigueur du Brexit.

Les autres géoTLDs

Outre les ccTLDs, le territoire de l’Union européenne comprend plusieurs autres extensions : les unes constituent des noms de villes (cityTLDs tels que .BERLIN, .MADRID ou .PARIS), d’autres renvoient à des noms de régions administratives (par ex. : .ALSACE, .BZH, .CAT  et .CORSICA) et quelques autres concernent des communautés culturelles (.ALSACE, .BZH, .CAT, .CORSICA et .IRISH).

Toutes ces extensions visent à valoriser une métropole, une région ou une communauté culturelle. Cet objectif de valorisation se traduit, le plus souvent, par des conditions territoriales d’éligibilité et/ou, dans certains cas, par un contrôle du contenu des sites Internet.



 

Opportunités et stratégies

La disponibilité des noms de domaine détenus par des personnes physiques et morales britanniques présente un désagrément pour les uns, une opportunité pour les autres. Il paraît prudent, pour les personnes physiques et morales éligibles, de recourir à des outils de surveillances et à des audits de portefeuille de noms de domaine visant à identifier les noms de domaine .eu et .ею qui pourraient se révéler utiles. Une stratégie de  revente pour les uns, et d’acquisition pour les autres, doit être élaborée et mise en oeuvre dans les meilleurs délais. Par ailleurs, il se peut, dans certains cas, que le transfert de noms de domaine nécessite, en outre, un contrat de coexistence par lequel les parties se reconnaitraient mutuellement le droit d’utiliser tel nom de domaine pour des produits ou services précisément identifiés et s’interdiraient de l’utiliser pour tels autres produits ou services. Il importe de garder à l’esprit que cette démarche concerne non seulement les ccTLDs de l’Union européenne, mais également les autres geoTLDs exigeant la démonstration d’une présence locale à l’exclusion de tout autre critère d’éligibilité (.BAYERN, .BERLIN et .HAMBURG).