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France : divulgation par l’employé d’une collection de mode confidentielle

La société Petit Bateau exerce son activité dans le domaine de la mode pour enfants. En 2010, elle avait engagé Mme A en qualité de chef de projet export. Le contrat de travail entre Mme A et Petit Bateau contenait une clause de confidentialité. Par lettre du 15 mai 2014, Mme A a été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation de confidentialité en publiant, le 22 avril 2014, sur son compte Facebook, une photographie de la nouvelle collection printemps/été 2015. Cette photographie avait ainsi été divulguée auprès de 200 « amis » professionnels de la mode travaillant, pour certains, auprès d’entreprises concurrentes. La publication litigieuse avait été spontanément communiquée à Petit Bateau par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise, autorisée à accéder comme « amie » sur le compte privé Facebook de Mme A. Comme cette dernière contestait être titulaire du compte Facebook concerné, Petit Bateau mandata un huissier qui certifia le contraire. À la suite de quoi Mme A contesta son licenciement en arguant du caractère déloyal de l’obtention de la preuve.

Dans un arrêt du 12 décembre 2018, la Cour d’appel de Paris a considéré, au contraire, que le procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal et que la publication litigieuse caractérisait un manquement à l’obligation de confidentialité de la salariée et constituait une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise.

Mme A forma un pourvoi en cassation en arguant du caractère déloyal du procédé d’obtention de preuve.

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu son arrêt le 30 septembre 2020. En premier lieu, elle a rappelé qu’en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve. En second lieu, la cour a rappelé que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Elle en a déduit ce qui suit :

« [l]a production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook de la salariée, auquel il n’était pas autorisé à accéder, et d’éléments d’identification des « amis » professionnels de la mode destinataires de cette publication, constituait une atteinte à la vie privée de la salariée ».

Cependant, la Cour de cassation a relevé, comme l’avait fait la Cour d’appel, que « l’employeur s’était borné à produire la photographie de la future collection de la société publiée par l’intéressée sur son compte Facebook et le profil professionnel de certains de ses « amis » travaillant dans le même secteur d’activité et qu’il n’avait fait procéder à un constat d’huissier que pour contrecarrer la contestation de la salariée quant à l’identité du titulaire du compte ».

Compte tenu des circonstances, les juges ont considéré que « cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires ».


Cass. soc., 30 septembre 2020, 19-12.058, Publié au bulletin : Legifrance.gouv.fr