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Au-delà de la notoriété : défendre toutes les marques contre le cybersquattage

Table des matières

1. La notoriété

La notoriété d’une marque est un atout stratégique inestimable. Toutefois, la célérité avec laquelle une marque peut désormais atteindre une renommée mondiale comporte un revers : une exposition accrue aux litiges et aux abus en ligne. Paradoxalement, même les marques moins connues ne sont pas épargnées par ces menaces, le cybersquattage ciblant aujourd’hui aussi bien les grands noms du marché que les petites et moyennes entreprises.

1.1. Le régime spécifique des marques notoires

Une protection élargie. – La notoriété d’une marque est un levier commercial essentiel dans un marché global et digitalisé. Les marques reconnues gagnent la confiance des consommateurs, ce qui facilite évidemment les ventes et renforce la fidélité. Sur le plan juridique, cette notoriété offre une protection renforcée, ce qui constitue un atout crucial face à la contrefaçon et au cybersquattage. Plusieurs textes de lois et conventions internationales reconnaissent et protègent les marques notoires en leur accordant un statut privilégié : l’article article 6bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (1883) ; l’article 16(2) de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) ; l’article 5(3) de la directive européenne 2015/2436 ou encore le Lanham Act aux États-Unis 15 U.S.C. § 1125(c)). Ces dispositions prévoient en particulier qu’une marque notoire doit être protégée même en dehors de la classe de produits ou services pour laquelle elle est enregistrée. Ces instruments permettent aux marques notoires de bénéficier d’une protection élargie et facilitent leur défense dans des contextes nationaux et internationaux contre tout usage abusif ou déloyal. La situation de marque notoire est donc particulièrement enviable.

1.2. La notoriété subitement acquise

L’immédiateté. – L’ère numérique a profondément transformé l’accès des marques à la notoriété. Autrefois, cette reconnaissance se construisait lentement, résultat d’efforts et d’investissements soutenus pendant des décennies. Aujourd’hui, le contexte a radicalement changé : une marque peut désormais atteindre une renommée mondiale en un instant, propulsée par l’immédiateté du numérique. Les marques « TikTok » et « Oculus » en sont des exemples frappants. 

« TikTok ». – L’application mobile TikTok, lancée en 2017, a connu une ascension fulgurante en 2020, au début de la pandémie de COVID-19, période où elle s’est imposée auprès de millions d’utilisateurs à travers le monde. Cette montée en popularité s’est accompagnée d’une hausse notable des litiges liés à la protection de la marque. En effet, le nombre de procédures UDRP engagées pour défendre la marque « TikTok » est passé de zéro en 2019 à 17 en 2020[1], ce qui indique l’émergence de cas de cybersquattage parallèlement à la notoriété de l’application.

« Oculus ». – De manière similaire, la marque « Oculus » connut un succès instantané suite à une campagne de crowdfunding réussie, attirant également son lot de cybersquatteurs. La popularité soudaine de cette marque avait contraint son propriétaire à engager plusieurs procédures UDRP pour défendre ses droits[2].

1.3. L’absence de notoriété

Mais ne nous méprenons pas. Des marques moins visibles se trouvent également dans le viseur des cybersquatteurs. Or de tels abus peuvent se révéler déstabilisants pour des petites ou moyennes entreprises. De plus, les conséquences peuvent être non négligeables, tant sur le plan financier que sur celui de leur image de marque. Le cybersquattage représente alors un obstacle supplémentaire dans la stratégie de ces entreprises, potentiellement coûteux à surmonter sans une vigilance active et des moyens de protection adaptés.

Nous explorerons les raisons qui expliquent cette cible inattendue et proposerons des outils concrets pour permettre aux propriétaires de telles marques de se défendre efficacement contre le fléau du cybersquattage.

2. Le cybersquattage

Le cybersquattage, un fléau aux multiples facettes, expose aussi bien les marques notoires que les marques émergentes aux risques de détournement de trafic, de pertes de revenus, et d’atteinte à leur réputation. Dans cette section, nous explorerons les différentes pratiques de cybersquattage, du typosquattage au phishing, et les conséquences spécifiques pour les marques moins connues. Ces entreprises deviennent des « cibles faciles », souvent vulnérables en raison de ressources limitées pour protéger leur identité numérique.
 

2.1. La définition du cybersquattage

Le cybersquattage consiste à enregistrer sciemment un nom de domaine identique ou similaire à une marque dans le but d’en tirer un profit. Qu’il s’agisse de cybersquattage (enregistrement d’un nom de domaine identique à la marque) ou de typosquattage (nom de domaine similaire, légèrement déformé), les abus liés aux noms de domaine se déclinent sous plusieurs formes.

Les pages publicitaires (« pay-per-click »). – Le cybersquatteur crée une page web simpliste truffée de liens publicitaires générant des revenus à chaque clic. Ce type de cybersquattage peut être particulièrement lucratif lorsqu’il s’attaque à des marques notoires, tirant parti du trafic engendré par la confusion des utilisateurs.

Le phishing. – En reproduisant fidèlement l’apparence du site officiel de la marque, le cybersquatteur cherche à tromper les visiteurs et à collecter leurs informations confidentielles (identifiants, mots de passe, données bancaires), qui seront ensuite revendues ou exploitées à des fins frauduleuses.

La revente du nom de domaine au propriétaire de la marque. – En anticipant la valeur symbolique et commerciale d’un nom de domaine proche d’une marque, le cybersquatteur espère que l’entreprise ciblée se résoudra à acheter le domaine à un prix nettement supérieur à celui de l’enregistrement initial.

Publicité pour des produits ou services concurrents. – En partenariat avec des tiers, le nom de domaine piraté redirige les visiteurs vers des produits ou services concurrents, profitant de la confusion pour monétiser le trafic au détriment de la marque.

Contenu dénigrant. – Le cybersquatteur associe au nom de domaine un contenu nuisible, visant délibérément à ternir l’image de la marque, dans l’unique but d’obtenir un paiement en échange de la restitution du nom de domaine.

Contenu illégal ou inapproprié. – Certains cybersquatteurs vont jusqu’à héberger des contenus inappropriés ou même illégaux (réservés aux adultes, activités illicites), pour accentuer la pression sur le détenteur de la marque et inciter ce dernier à racheter le domaine à prix fort.

Dans chacune de ces formes, le cybersquatteur exploite et monétise le trafic naturellement associé à la marque, ce qui explique pourquoi les marques de grande renommée demeurent des cibles privilégiées de ce type de fraude. Toutefois, les marques moins connues ne sont pas pour autant épargnées par le cybersquattage. En effet, bien que les marques notoires soient des cibles privilégiées, les petites et moyennes entreprises ou marques émergentes peuvent aussi attirer l’attention des fraudeurs.

2.2. Les risques pour les marques dépourvues de notoriété

Des cibles « faciles ». – Les cybersquatteurs ont conscience que les grandes marques disposent souvent d’importantes ressources financières, de services juridiques spécialisés et d’une surveillance proactive pour protéger leur présence en ligne. Ainsi, dans certaines circonstances, les litiges autour de ces marques peuvent entraîner des coûts, des risques juridiques, voire des pertes pour les cybersquatteurs, ce qui peut décourager les moins téméraires. Nombre de cybersquatteurs déplacent donc leur attention vers des marques moins connues ou des marques émergentes, qu’ils qualifient de « cibles faciles ». Ces entreprises émergentes ou locales disposent généralement de budgets consacrés à la propriété intellectuelle plus limités, ce qui réduit le risque de détection et, eu final, de suppression des contenus.

Détournement de trafic et pertes de revenus. – Les cybersquatteurs peuvent exploiter des noms de domaine similaires à ceux des marques pour rediriger le trafic vers leurs propres sites ou vers des pages publicitaires. Ce détournement prive la marque de visiteurs légitimes, ce qui se traduit par des pertes financières directes et une baisse de crédibilité auprès du public.

L’atteinte à la réputation. – Le cybersquattage crée un risque de confusion chez les consommateurs, lesquels peuvent être amenés à croire qu’ils interagissent avec le véritable propriétaire de la marque. Cette situation peut inciter les utilisateurs à réaliser des achats ou à effectuer des actions en pensant être sur un site officiel, alors qu’ils se trouvent sur un site frauduleux. Cette recherche de confusion peut nuire aux clients et, par voie de conséquence, ternir la réputation de la marque.

Collecte de données personnelles et phishing. – Certains cybersquatteurs utilisent des noms de domaine pour imiter des sites Internet dans le seul but de collecter des informations personnelles via des formulaires de commande ou d’inscriptions, une pratique que l’on appelle « phishing ». Il n’est sans doute pas superflu de rappeler que les outils de développement de sites Internet facilitent l’imitation de sites légitimes et préexistants. Le phishing n’expose pas seulement les consommateurs à des risques de fraude ; il peut également engager la responsabilité de l’entreprise compromise si la preuve de sa négligence est apportée (défaut de recours à des mesures habituelles contre les cyberattaques, absence de sensibilisation du personnel ou de la clientèle). Il en résulte que certaines entreprises ont le devoir d’utiliser des outils de détection du phishing.

Coûts financiers et contraintes juridiques. – Engager des actions contre les cybersquatteurs, telles que des procédures UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy – nous y reviendrons) ou des poursuites judiciaires, peut représenter un coût significatif pour les propriétaires de marques. Les recours UDRP sont souvent plus accessibles et rapides que les actions judiciaires classiques, ce qui les rend particulièrement adaptés aux marques de taille moyenne cherchant des solutions efficaces et économiquement viables. Cependant, ces procédures nécessitent malgré tout des ressources, ce qui peut dissuader certaines entreprises de s’engager dans de telles démarches, laissant ainsi le champ libre aux cybersquatteurs.

Pour les marques non notoires, le cybersquattage représente un risque d’autant plus sérieux qu’il peut paraître difficile à contrer, compromettant leur image, leur crédibilité et, dans les cas les plus graves, leur potentiel de croissance. Néanmoins, des solutions existent pour lutter contre le cybersquattage, y compris pour les propriétaires de marques moins connues, grâce à des outils juridiques, techniques et stratégiques adaptés à leurs moyens et à leurs besoins.

3. Les outils de lutte contre le cybersquattage

Les marques moins connues peuvent paraître fébriles face aux défis du cybersquattage, car elles ne disposent souvent pas du budget de protection intellectuelle nécessaire pour défendre leur présence dans un environnement numérique globalisé, où la protection des marques est plus complexe et coûteuse. Dans ce contexte, il est essentiel d’adopter une approche stratégique et de prioriser la protection en fonction des marchés visés : cela signifie protéger ses actifs immatériels — marques et noms de domaine — dans les pays où l’on projette une activité commerciale significative. Bien que le risque zéro n’existe pas, ces précautions, accompagnées d’une utilisation judicieuse des outils juridiques et techniques disponibles, permettent de réduire significativement les vulnérabilités et de protéger au mieux l’intégrité de la marque.

3.1. Les outils préventifs

Dans l’immensité de l’espace numérique, où chaque recoin abrite autant d’opportunités que de menaces, protéger une marque est devenu un art subtil. L’entreprise doit anticiper les attaques adverses et ériger des barrières contre le cybersquattage. Cette section déploie les outils et stratégies essentiels pour fortifier la marque, non seulement par des choix de signes d’affaire distinctifs, mais aussi par des enregistrements anticipés, des systèmes de surveillance vigilants, et des programmes de sensibilisation internes. En recourant aux systèmes tels que le Trademark Clearinghouse et le bouclier GlobalBlock, les entreprises peuvent améliorer la sécurisation de leur territoire numérique de manière propice à garantir une présence en ligne authentique et respectée. C’est une démarche qui va bien au-delà de la simple défense : il s’agit de forger une identité solide.

3.1.1. La stratégie de marque et de noms de domaine

Le choix d’une marque distinctive. – Une marque distinctive est un signe, un mot, un logo ou un symbole qui permet de différencier les produits ou services d’une entreprise de ceux de ses concurrents. Cette distinctivité est essentielle en droit de la propriété intellectuelle, car elle garantit qu’un signe (marque, nom de domaine, nom commercial ou dénomination sociale) est reconnaissable et mémorisable par le consommateur, et qu’il n’est ni descriptif ni générique pour les produits ou services qu’il représente. Une marque distinctive capte l’attention par son originalité et son unicité, ce qui facilite sa protection juridique. Par exemple, un mot inventé ou une combinaison unique de symboles est considéré comme plus distinctif qu’un terme commun décrivant directement les caractéristiques du produit. Une marque distinctive est plus facile à protéger contre le cybersquattage, tandis que les marques génériques ou descriptives sont plus exposées, car les cybersquatteurs peuvent prétendre avoir des droits sur des termes communs.

Jumellité. – La relation entre les marques et les noms de domaine est semblable à celle de deux jumeaux indissociables dans le monde numérique. Lorsqu’une entreprise enregistre une marque, la sécurisation immédiate des noms de domaine correspondants dans les régions visées devient un impératif stratégique. Pour une marque déposée en Chine, par exemple, la réservation de <marque.cn> ainsi que des extensions en idéogrammes chinois (<marque.中国> et <marque.中國>) est indispensable pour assurer une continuité et une cohérence entre l’identité physique et numérique de l’entreprise. Cette démarche ne se contente pas d’offrir une protection contre le cybersquattage, elle ancre aussi la marque de façon authentique dans le territoire visé et forge un lien de confiance avec les consommateurs locaux.

Les dépôts de marque et noms de domaine. – Dans un environnement globalisé et numérique, déposer sa marque et ses noms de domaine dans les pays ciblés commercialement n’est pas seulement utile, c’est une étape cruciale pour assurer une protection efficace et durable. Lorsqu’une marque est introduite sur un marché, elle gagne en visibilité médiatique et attire l’attention des consommateurs, mais également celle des cybersquatteurs. Plus la marque est exposée dans un pays, plus les risques de cybersquattage sont élevés. En effet, des tiers malintentionnés pourraient être tentés d’exploiter la notoriété naissante de cette marque en enregistrant des noms de domaine identiques ou similaires afin de tirer profit du trafic en ligne ou pour revendre le nom de domaine à prix fort. Autrement dit, chaque épisode médiatique constitue un risque de cybersquattage. Ces risques doivent être judicieusement anticipés par le dépôt et l’enregistrement préalable des marques et des noms de domaine, comme en attestent les deux exemples suivants.

<thefidgetcube.co>. – À titre d’illustration, dans une affaire concernant le nom de domaine <thefidgetcube.co>, similaire à la marque « Fidget Cube », l’enregistrement avait été effectué peu après le lancement du produit sur une plateforme de financement participatif. Cette proximité temporelle a été prise en compte dans la décision de transfert du nom de domaine[3]. Il convient également de souligner que l’entreprise demanderesse avait eu la présence d’esprit de déposer une demande de marque avant même le lancement du produit, condition sine qua non au succès d’une procédure UDRP. Cependant, une analyse plus approfondie révèle que le nom de domaine <fidgetcube.com> avait été enregistré par la demanderesse après le lancement du produit, ce qui n’est pas idéal. En effet, il est toujours préférable de sécuriser les droits de propriété intellectuelle, y compris les noms de domaine, avant la mise sur le marché d’un produit.

« Formlabs » – Parallèlement, la société Formlabs Inc. s’est vue contrainte de mener plusieurs actions extrajudiciaires pour récupérer des noms de domaine opportunément enregistrés le jour même du lancement de son produit sur une plateforme de financement participatif. Comme dans l’exemple précédent, cette concordance temporelle a été perçue comme un indice manifeste, voire décisif, de mauvaise foi. Ce cas se distingue toutefois par une particularité intrigante : le défendeur avait réservé de multiples noms de domaine reproduisant la marque « Formlabs » sous diverses extensions, notamment <formlabs.nl> (décision DNL2018-0041[4]), <formlabs.biz>, <formlabs.info>, <formlabs.net>, <formlabs.org>, <formlabs.nu> (décision D2018-1526[5]) et <formlabs.eu> (décision DEU2018-0029[6]). Selon l’extension, les règles et procédures applicables varient, quoique légèrement, ce qui nécessite des procédures distinctes, avec des coûts juridiques multipliés. Cet aspect constitue un élément essentiel à considérer lors du lancement d’une marque, car la dispersion des actions requises peut vite alourdir la facture.

Anticiper. – Ces deux affaires, exemples parmi d’autres, illustrent l’importance de protéger les droits de propriété intellectuelle préalablement au lancement d’un produit. Pour maximiser les chances de succès dans les procédures de récupération de noms de domaine, il est essentiel pour les entreprises de sécuriser à la fois leurs marques et leurs noms de domaine avant la commercialisation, afin d’éviter toute exploitation malveillante de cette renommée naissante.

Adopter une approche proactive. – Une stratégie de noms de domaine efficace est cruciale pour protéger et valoriser la marque dans un environnement numérique globalisé. En adoptant une approche proactive et bien structurée des dépôts de noms de domaine, une entreprise peut non seulement sécuriser sa présence en ligne, mais également limiter les risques de cybersquattage et de détournement de trafic. Cette approche est particulièrement importante pour les entreprises cherchant à établir leur marque dans de nouveaux marchés internationaux, où les risques d’usurpation de nom sont élevés.

3.1.2. Les enregistrements préventifs

Les enregistrements préventifs : une stratégie incontournable pour sécuriser l’identité numérique des marques. – Les enregistrements préventifs de noms de domaine constituent une étape clé pour toute marque cherchant à protéger son identité numérique. Pour les marques moins connues, en particulier, enregistrer non seulement le nom principal mais aussi ses variantes dans les extensions les plus courantes (comme <.com>, <.net>) et les extensions spécifiques à une zone géographique ciblée (comme <.fr> pour la France ou <.cn> pour la Chine) est essentiel. Ces dépôts anticipés permettent de bloquer des tiers potentiellement malveillants, réduisant ainsi les risques de cybersquattage et de redirections indésirables vers des sites non affiliés ou nuisibles. En outre, anticiper les variantes du nom de domaine, notamment celles correspondant aux fautes de frappe courantes, aide à protéger le trafic lié aux erreurs des utilisateurs. Cela empêche les cybersquatteurs de détourner les visiteurs vers des pages concurrentes ou inappropriées, tout en préservant la crédibilité de la marque. Le dépôt préventif de noms de domaine renforce également la confiance des consommateurs et des partenaires commerciaux en montrant que l’entreprise protège activement son identité et sa présence en ligne.

Une approche stratégique par ordre de priorités. –Pour une PME, la gestion des noms de domaine peut s’organiser en plusieurs catégories, selon la priorité et l’objectif de chaque enregistrement. Lorsqu’une entreprise élabore sa stratégie de gestion des noms de domaine, elle peut classer ses enregistrements selon plusieurs niveaux de priorité, chacun servant des objectifs spécifiques pour protéger et renforcer la marque en ligne.

  • Les noms de domaine principaux (ou core domains) sont les éléments centraux de la présence numérique de la marque et représentent sa vitrine principale. Ce sont des domaines de haute priorité, tels que <marque.com> ou <marque.fr> qui jouent un rôle crucial dans la communication et les activités en ligne de l’entreprise.
  • Les noms de domaine avec une extension (top-level domain) liée aux produits ou services couverts par la marque jouent un rôle stratégique. Par exemple, une marque opérant dans le domaine de l’intelligence artificielle aurait tout intérêt à enregistrer le nom de domaine correspondant, comme <marque.ai>. Ces domaines présentent un double avantage : d’une part, ils peuvent être utilisés efficacement pour renforcer la visibilité médiatique et l’image de marque dans un secteur spécifique ; d’autre part, ils exercent une fonction de blocage en empêchant des tiers d’enregistrer des domaines similaires. En l’absence d’un enregistrement proactif, il est probable que d’autres le feront, compte tenu de la valeur perçue élevée que ce type de domaine peut offrir aux propriétaires de marques et aux investisseurs.
  • Viennent ensuite les noms de domaine défensifs (ou basic defensive domains), également prioritaires. Ceux-ci incluent des variantes comme <marque.net>, <marque.org> ou <marque.shop>. Ces noms sont enregistrés pour bloquer les tentatives de cybersquattage, protégeant ainsi la marque contre l’usurpation.
  • Pour les entreprises s’implantant dans plusieurs pays, les noms de domaine géographiques principaux (key geographic domains) sont essentiels. Avec une priorité moyenne, ces noms de domaine, qui prennent la forme <marque.cctld> renforcent la présence de la marque dans des marchés stratégiques où un développement commercial est en cours ou prévu. Par exemple, <marque.es> pour l’Espagne ou <marque.de> pour l’Allemagne. Cependant, certaines circonstances législatives ou politiques peuvent inciter un investisseur étranger à privilégier des noms de domaine alternatifs, tels que <marquenomdepays.com>, afin que le propriétaire de la marque puisse s’assurer de conserver le contrôle de son identité numérique.
  • Les noms de domaine de campagne marketing ponctuelle (campaign domains) ont une priorité moyenne à faible. Ils sont utiles pour des promotions ou des lancements spécifiques, offrant une visibilité ciblée et temporaire sur des initiatives marketing. Cependant, la fin de la campagne ayant donné naissance à de tels noms ne doit pas sonner leur fin. Il est utile, au contraire, de les maintenir dans le portefeuille afin de ne pas les laisser dans de mauvaises mains.
  • Dans une logique de référencement et d’optimisation pour les moteurs de recherche, les noms de domaine descriptifs pour produits ou services principaux (product/service-related domains) peuvent être enregistrés avec une priorité moyenne à faible. Ces noms peuvent contribuer à améliorer la visibilité SEO.
  • Les noms de domaine de redirection (redirect domains) peuvent se révéler utiles pour certains utilisateurs qui, à la suite d’une faute de frappe, sont redirigés vers le site principal. Par exemple, <marquee.com> peut rediriger vers <marque.com>. Ces domaines sont généralement de faible priorité, mais ils facilitent une navigation sans interruption.
  • Enfin, les noms de domaine de récupération juridique (legal recovery domains) sont à envisager en cas de litige. Ces domaines sont récupérés après des actions juridiques, comme dans les cas de cybersquattage, afin de restituer au propriétaire de la marque ses droits légitimes.

Une telle catégorisation devrait permet à une petite ou moyenne entreprise d’y voir plus clair dans la gestion des noms de domaine, en donnant la priorité aux enregistrements les plus essentiels à la protection et au développement de sa marque. Les enregistrements préventifs, intégrés dans une stratégie globale, renforcent ainsi la sécurité de la marque dans un environnement numérique potentiellement hostile.

3.1.3. Les interdictions préventives

Dans la lutte contre le cybersquattage, les marques peuvent s’appuyer sur des outils d’interdiction préventive qui renforcent leur protection dans l’environnement numérique. Il existe, en effet, un ensemble d’outils offrant une défense relativement solide contre certains abus.

Trademark Clearinghouse (TMCH). – La Trademark Clearinghouse (TMCH) est une base de données centralisée de marques vérifiées, mise en place par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) pour renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle dans le système des noms de domaine. En enregistrant leurs marques au sein du TMCH, les titulaires bénéficient de deux mécanismes clés :

  • La sunrise period : avant le lancement d’un nouveau domaine de premier niveau (gTLD), les propriétaires de marques inscrites au TMCH ont la possibilité d’enregistrer en priorité des noms de domaine correspondant à leurs marques, réduisant ainsi les risques de cybersquattage.
  • Le service de réclamations : pendant les 90 jours suivant le lancement d’un nouveau gTLD, toute tentative d’enregistrement d’un nom de domaine correspondant à une marque inscrite au TMCH déclenche une notification au demandeur, l’informant de droits de propriété intellectuelle existants. Si l’enregistrement est tout de même effectué, le titulaire de la marque reçoit une alerte, lui permettant de réagir promptement en cas d’utilisation abusive.

En centralisant ces informations, la TMCH simplifie et renforce la protection des marques sur Internet, offrant aux entreprises un outil efficace pour prévenir les atteintes à leurs droits dans l’environnement numérique.

GlobalBlock. – Il s’agit d’un rempart spécialement conçu pour protéger les marques des tentatives de cybersquattage. Lancé en février 2024, ce service verrouille des enregistrements de manière proactive et préventive des noms de domaine identiques ou similaires à une marque sur plus de 600 extensions, incluant aussi bien les domaines de premier niveau génériques (gTLDs) que les domaines géographiques (ccTLDs) et les nouvelles extensions du Web3 (Unstoppable Domains ayant apporté ses domaines à GlobalBlock). GlobalBlock tisse ainsi un filet de protection autour des marques et préserve leur intégrité dans les recoins les plus fréquentés d’Internet. GlobalBlock propose deux niveaux de protection : GlobalBlock, qui bloque les enregistrements de noms de domaine correspondant précisément à la marque (les noms de domaine identiques), et GlobalBlock+, qui intercepte également les variantes typographiques ou homoglyphiques, celles-là mêmes que les cybersquatteurs exploitent pour semer la confusion et capter le trafic en ligne. Ce n’est pas tout puisque, parmi les fonctionnalités clés de ce bouclier numérique, « Priority AutoCatch » surveille en permanence les noms de domaine expirés correspondant à la marque et, le cas échéant, les intègre automatiquement dans le portefeuille du client. A noter également la fonction « Domain Unblock » qui offre aux propriétaires de marques la possibilité de débloquer un nom de domaine précédemment protégé pour une utilisation temporaire ou permanente, selon les besoins commerciaux. GlobalBlock incarne ainsi une avancée majeure dans la protection de la marque sur le web, offrant aux entreprises une défense robuste et agile, leur permettant de bâtir leur présence numérique en toute sérénité, loin des menaces tapies dans l’ombre numérique. Pour bénéficier de la protection GlobalBlock, les marques doivent être enregistrées auprès du Trademark Clearinghouse (TMCH).

AdultBlock. – Similaire et préexistant à GlobalBlock, AdultBlock a été conçu pour empêcher l’enregistrement non autorisé de noms de domaine associés à des contenus pour adultes. Il couvre les extensions .xxx, .adult, .porn et .sex. En bloquant proactivement les enregistrements indésirables, AdultBlock préserve l’intégrité et la réputation des marques. Ce service est particulièrement pertinent pour les entreprises soucieuses de maintenir une image de marque cohérente et protégée sur Internet.

3.1.4. Les surveillances

Les services de surveillance des noms de domaine. – Les surveillances offrent une veille proactive pour détecter les enregistrements de noms de domaine identiques ou similaires à une marque. Ces services s’appuient sur des paramètres variés, ce qui permet de couvrir la quasi-totalité de l’écosystème des noms de domaine :

  • La langue : intégration des similitudes linguistiques, y compris les translittérations, pour identifier les enregistrements de noms de domaine susceptibles de porter atteinte à la marque dans différentes langues.
  • L’exhaustivité des domaines de premier niveau (TLD) : à l’exception de quelques extensions, une surveillance doit pouvoir englober les domaines nationaux (ccTLDs), les domaines génériques (gTLDs) et les nouvelles extensions (nouveaux gTLDs),

Les résultats d’une telle veille sont compilés dans des rapports détaillés et fournis selon la fréquence qui convient le mieux au propriétaire de la marque : quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle. L’information fournie permet aux titulaires de marques de réagir promptement aux enregistrements suspects.

La surveillance ciblée d’un nom de domaine spécifique. – Il s’agit de surveiller les noms de domaine déjà identifiés et perçus comme potentiellement menaçant. Cette surveillance « rapprochée » implique le suivi continu des modifications associées au nom de domaine concerné, notamment les données WHOIS, les serveurs DNS et le contenu du site web. Les services spécialisés dans cette surveillance envoient des alertes dès qu’un changement est détecté, ce qui permet de réagir rapidement en cas d’activités suspectes ou malveillantes. Par exemples, une modification des informations WHOIS peut indiquer un transfert de propriété ou une tentative de dissimulation d’identité, tandis qu’un changement de serveurs DNS pourrait signaler une redirection vers un site frauduleux.  En maintenant une vigilance constante sur ces évolutions, les entreprises peuvent anticiper et contrer les menaces potentielles.

3.1.5. La sensibilisation interne

Impliquer les employés : une première ligne de défense.  La formation des employés aux risques de cybersquattage et à la protection de la marque est essentielle pour préserver l’intégrité et la réputation d’une entreprise. En sensibilisant le personnel aux menaces telles que le cybersquattage, le typosquatting et l’usurpation d’identité, les entreprises renforcent leur première ligne de défense contre ces attaques. Des programmes de formation adaptés permettent aux employés de reconnaître les signes avant-coureurs d’abus potentiels, tels que des enregistrements de noms de domaine suspects ou des contenus en ligne non autorisés. Cette vigilance collective contribue à maintenir la confiance des clients et des partenaires, tout en réduisant les coûts liés aux litiges et aux actions correctives. En investissant dans la formation continue de leurs employés, les entreprises s’assurent que chaque membre du personnel devient un acteur clé dans la protection de la marque, formant ainsi une culture d’entreprise face aux menaces numériques. 

3.1.6. La jumellité des marques et noms de domaine : twins

Jumellité et cohérence.  La relation entre les marques et les noms de domaine est semblable à celle de deux jumeaux indissociables dans le monde numérique. Lorsqu’une entreprise enregistre une marque, la sécurisation immédiate des noms de domaine correspondants dans les régions visées devient un impératif stratégique. Pour une marque déposée en Chine, par exemple, la réservation de <marque.cn> ainsi que des extensions en idéogrammes chinois (<marque.中国> et <marque.中國>) est indispensable pour assurer une continuité et une cohérence entre l’identité physique et numérique de l’entreprise. Cette démarche ne se contente pas d’offrir une protection contre le cybersquattage, elle ancre aussi la marque de façon authentique dans le territoire visé et forge un lien de confiance avec les consommateurs locaux.

3.2. Les outils juridictionnels

Le caractère juridictionnel : une force contraignante.  Le terme « juridictionnel » provient du latin « jurisdictio », signifiant « dire le droit ». Une procédure est qualifiée de juridictionnelle lorsque, par une décision rendue par un tiers neutre, le droit est appliqué de manière contraignante pour les parties, aboutissant à une solution qui s’impose à elles et qui peut avoir des répercussions sur leur patrimoine. Ainsi, une décision judiciaire étatique est juridictionnelle, tout comme une sentence arbitrale. Une décision rendue dans le cadre de la procédure UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy) est également juridictionnelle et présente en outre l’avantage d’une exécution quasi automatique.

La médiation.  Le caractère juridictionnel s’oppose à celui des processus de médiation, où le tiers neutre n’a pas pour rôle de dire le droit ni de rendre une décision contraignante ; il aide simplement les parties à parvenir elles-mêmes à une transaction mutuellement acceptable. Si la médiation n’est pas totalement absente des modes alternatifs de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine, son intérêt est limité en présence d’une partie agissant de mauvaise foi, ce qui est typiquement le cas dans les affaires de cybersquattage.

Dans le cadre de notre analyse, nous nous concentrerons sur les procédures extrajudiciaires juridictionnelles, car, en dehors des procédures judiciaires d’urgence telles que le référé, ces mécanismes, à l’image de la procédure UDRP, sont souvent privilégiés pour leur rapidité et leur coût maîtrisé, qui en font des solutions de résolution de litiges efficaces et accessibles.

3.2.1. Les procédures extrajudiciaires

L’UDRP : une solution rapide et efficace contre les enregistrements abusifs de noms de domaine.  Les modes de règlement extrajudiciaires des litiges relatifs aux noms de domaine, à l’instar de la procédure UDRP, offrent une voie rapide et efficace pour résoudre les conflits liés aux enregistrements abusifs de noms de domaine. Créée par l’ICANN[7] et l’OMPI[8], l’UDRP vise à protéger les droits des titulaires de marques en leur permettant de contester les enregistrements de noms de domaine identiques ou similaires réalisés de mauvaise foi. Cette procédure est menée par un tiers neutre qui rend une décision contraignante, souvent exécutée automatiquement, évitant ainsi aux parties de recourir aux juridictions étatiques.

L’UDRP : un modèle mondial pour la résolution des litiges en ligne.  Le succès de l’UDRP a inspiré l’adoption de mécanismes similaires dans de nombreux pays pour les domaines géographiques de premier niveau (ccTLDs), parfois avec des adaptations spécifiques. Cette expansion témoigne de l’efficacité de l’UDRP, devenue un modèle à la fois inspirant et incontournable pour la gestion des litiges en ligne : une résolution rapide et à moindre coût qui sécurise l’espace numérique pour les détenteurs de droits.

3.2.2. La notoriété dans les procédures extrajudiciaires

Notoriété et application des critères UDRP. – Les procédures de règlement des litiges UDRP, bien que n’exigeant pas strictement la notoriété de la marque pour établir la mauvaise foi du cybersquatteur, en tirent un avantage certain lorsqu’elle est présente. En effet, prouver la mauvaise foi est nécessairement plus aisé lorsque la marque en question jouit d’une notoriété avérée car il est raisonnable de présumer que le cybersquatteur en avait connaissance au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Cette notoriété établit un contexte favorable pour démontrer l’intention malveillante.

Usage des éléments probants en cas d’absence de notoriété. – Pour les marques non notoires, l’absence de renommée ne constitue pas un obstacle insurmontable dans une procédure UDRP. La protection face au cybersquattage n’est pas réservée aux marques notoires[9]. Les propriétaires de telles marques peuvent s’appuyer sur des éléments probants démontrant la mauvaise foi du cybersquatteur, tels que la reproduction flagrante de l’interface du site, l’usage non autorisé du logo ou d’autres éléments distinctifs tels que des supports visuels, et la similarité visuelle entre le site légitime et celui du contrefacteur. C’est ainsi que l’entreprise propriétaire d’une marque appelée « Sereed » parvint à démontrer le caractère abusif du nom de domaine <sereedstore.com> :

Version originale en anglais

Traduction en français

« The Respondent’s website prominently features photographs and videos of balance bikes identical to those marketed under the Complainant’s SEREED trademark. This direct copying of the Complainant’s products, combined with the use of the SEREED trademark in the domain name, strongly suggests an intent to deceive consumers into believing that the website is operated by, or affiliated with, the Complainant. By using the disputed domain name in this manner, the Respondent is seeking to exploit the Complainant’s trademark for commercial gain by creating a likelihood of confusion as to the source, sponsorship, affiliation, or endorsement of the webstore »[10].

« Le site Web du Défendeur présente de manière bien visible des photographies et des vidéos de draisiennes identiques à celles commercialisées sous la marque SEREED du Plaignant. Cette copie directe des produits du Plaignant, combinée à l’utilisation de la marque SEREED dans le nom de domaine, suggère fortement une intention de tromper les consommateurs en leur faisant croire que le site est exploité par le Plaignant ou qu’il lui est affilié. En utilisant le nom de domaine litigieux de cette manière, le Défendeur cherche à exploiter la marque du Plaignant à des fins commerciales en créant une probabilité de confusion quant à la source, le parrainage, l’affiliation ou l’approbation de la boutique en ligne ».

De même, il n’est pas nécessaire que le cybersquatteur reproduise exactement le site Internet du titulaire de la marque ; il suffit que le site soit imité d’une manière qui crée ou risque de créer une confusion dans l’esprit du public :

Version originale en anglaise

Traduction en français

« The fact that the Respondent has used the disputed domain name following registration, to resolve to a website which prominently features the Complainant’s TENWAYS trademark, and is highly similar – if not even identical – in terms of color, design, and product images, to the Complainant’s official website, and allegedly offers TENWAYS branded e-bikes, establishes both the Respondent’s actual knowledge of the Complainant’s rights as at the date of registration of the disputed domain name and the Respondent’s intention to take unfair advantage of those rights »[11].

« Le fait que le Défendeur ait utilisé le nom de domaine litigieux après son enregistrement pour diriger vers un site Web où la marque TENWAYS du Plaignant est mise en avant et qui est très similaire – voire même identique – en termes de couleur, de design et d’images de produits au site officiel du Plaignant, et qui propose prétendument des vélos électriques de marque TENWAYS, démontre à la fois la connaissance effective par le Défendeur des droits du Plaignant à la date d’enregistrement du nom de domaine litigieux et l’intention du Défendeur de tirer un avantage déloyal de ces droits ».

De telles preuves sont tangibles et renforcent de manière incontestable l’argument selon lequel le cybersquatteur tente de se faire passer pour le titulaire légitime afin de détourner le trafic ou de nuire à la marque.

4. Quid des enregistrements non abusifs ?

Dans le cadre d’une surveillance proactive des nouveaux enregistrements de noms de domaine, il peut arriver que soit détecté un domaine identique à la marque d’une entreprise, mais enregistré de bonne foi par une autre entité qui possède elle-même une marque homonyme. Dans un tel cas, deux scénarios se dessinent.

Premier cas de figure : concurrence entre les deux entreprises. – Lorsque deux entreprises, exerçant des activités similaires ou identiques, se retrouvent en situation de concurrence, il devient impératif qu’elles ouvrent un dialogue pour clarifier leurs objectifs respectifs et examiner leurs produits et territoires de commercialisation. Cette démarche de transparence vise à identifier des solutions de coexistence qui peuvent ensuite être formalisées dans un contrat de coexistence de marques. Ce document juridique permet de définir les modalités de partage du nom sans que l’une ne porte atteinte aux intérêts de l’autre. Cependant, même si ces entreprises opèrent à l’autre bout du monde, la mondialisation des échanges rend toute coexistence pacifique potentiellement fragile. Face à ce défi, il est souvent préférable d’éviter les querelles judiciaires en cherchant d’abord un terrain d’entente. Pour faciliter ce processus, le recours à un médiateur spécialisé en propriété intellectuelle peut s’avérer précieux : ce tiers compétent est formé pour aider les parties à trouver une issue équilibrée et satisfaisante pour chacune. En l’absence d’un accord ou d’un contrat de coexistence, la seconde entreprise, nouvel arrivant sur le marché, pourrait se voir reprocher de ne pas avoir mené les vérifications préalables avant le dépôt de sa marque ou l’enregistrement de son nom de domaine, ce qui pourrait remettre en cause la légitimité de son choix et exposer à des sanctions.

Second cas de figure : absence de concurrence. – Si les deux marques homonymes n’opèrent pas dans des secteurs concurrentiels, un contrat de coexistence de marques reste néanmoins conseillé. Ce contrat permet de définir des limites claires aux activités de chacune, de sorte que les deux entreprises s’accordent à ne pas empiéter sur le champ d’activité de l’autre à l’avenir. Ce type d’accord vise à prévenir les conflits potentiels, comme l’illustre le célèbre exemple de la société Apple Corps (fondée par les Beatles) et du fabricant d’ordinateurs Apple. Initialement, les deux entreprises avaient conclu un accord de coexistence, mais l’arrivée d’iTunes, positionnant Apple dans l’industrie musicale, avait déclenché des frustrations quelque peu inattendues.

Ainsi, que les entreprises soient concurrentes ou non, le contrat de coexistence de marques s’avère être un outil précieux pour baliser leur présence commerciale, protéger leurs droits et maintenir une relation de bon voisinage dans l’espace numérique et physique.

5. L’assurance « propriété intellectuelle »

Il n’est peut-être pas inutile également de rappeler que certains assureurs proposent des polices d’assurance incorporant certaines problématiques relatives à la propriété intellectuelle. La protection de la propriété intellectuelle est vitale dans un contexte d’innovation et de concurrence mondiale, car elle permet aux entreprises et aux créateurs de valoriser leurs actifs immatériels, tels que les brevets, marques, et droits d’auteur. Cependant, ces actifs sont exposés à divers risques, notamment la contrefaçon, les litiges, la cybercriminalité, et les erreurs administratives, qui peuvent engendrer des pertes financières significatives. Les assurances en propriété intellectuelle offrent des solutions adaptées pour gérer ces risques. Elles couvrent les frais de défense en cas de litige, les indemnités en cas de condamnation, les pertes d’exploitation liées aux atteintes aux droits, et les coûts de reconstitution des droits. L’assurance PI présente des spécificités, comme l’évaluation minutieuse des actifs protégés et l’adaptation territoriale de la couverture. Il existe des polices d’assurance dites offensives, pour attaquer en cas de violation des droits, et défensives, pour se protéger contre des attaques juridiques. En choisissant une assurance PI adaptée, les entreprises peuvent se concentrer sur leur innovation en restreignant les craintes nées des conséquences financières d’un litige. De plus, dans un environnement numérique en constante évolution, cette protection devient stratégique pour assurer la pérennité et la croissance de leurs activités.

6. Le budget « propriété intellectuelle »

Même pour une petite ou moyenne entreprise PME dont la marque n’est pas notoire, un budget dédié à la propriété intellectuelle est essentiel, et ce pour plusieurs raisons :

  • La propriété intellectuelle protège les innovations, produits et services qui différencient l’entreprise de ses concurrents, permettant ainsi de créer une valeur unique sur le marché.
  • En sécurisant ses actifs immatériels, l’entreprise empêche les concurrents de copier ses créations, préserve son avantage concurrentiel et contribue à pérennisation.
  • Investir dans la propriété intellectuelle, c’est aussi se protéger contre les risques juridiques.
  • Détenir des droits de propriété intellectuelle, y compris un portefeuille de noms de domaine, renforce la crédibilité et la valeur de l’entreprise, un atout non négligeable pour séduire investisseurs et partenaires.

En définitive, allouer un budget à la propriété intellectuelle contribue à la stabilité et à la croissance future de l’entreprise.

Conclusion

En somme, le cybersquattage représente une menace sérieuse pour les marques. Les marques dépourvues de notoriété ne sont pas épargnées. Bien que ces dernières disposent de ressources souvent plus limitées pour faire face à ces pratiques abusives, des solutions efficaces et adaptées existent.

IP Twins offre un accompagnement sur-mesure pour protéger votre marque en ligne, que ce soit par l’enregistrement préventif de noms de domaine, la surveillance continue pour détecter toute tentative de cybersquattage ou le recours à des procédures extrajudiciaires comme l’UDRP. En anticipant les risques et en adoptant une stratégie de protection proactive, les entreprises peuvent sécuriser leur identité numérique, préserver leur réputation, et éviter des pertes coûteuses. Avec IP Twins, assurez-vous que votre marque reste un actif protégé, prêt à croître sereinement dans un environnement numérique en constante évolution.


Notes

[1] Résultats obtenus à l’issue d’une recherche portant sur « tiktok » dans le champ « domain name » de la base de données de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle : ompi.int.

[2] WIPO D2016-2284, Oculus VR, LLC v. Levickii Vitalii Jurevich, Levickaja Valentina Vasilevna / Privacy protection service – r01.whoisproxy.ru, <oculusukraine.com>, transfer, February 12, 2017 ; WIPO D2018-0464, Oculus VR, LLC v. PrivacyGuardian.org / Vildan Erdogan, <oculusvenues.com>, transfer, April 25, 2018 ; WIPO D2018-0850, Oculus VR, LLC v. Javier Díaz Calvo, Active Thinking, <compraroculus.com>, transfer, June 6, 2018.

[3] WIPO DCO2018-0011, Antsy Labs LLC v. Contact Privacy Inc. Customer 0146656011 / Jonathan Ng, Fidget Cube, June 6, 2018.

[4] WIPO DNL2018-0041, Formlabs Inc. v. Eduard de Boer, Wezacon, September 24, 2018.

[5] WIPO D2018-1526, Formlabs Inc. v. Eduard de Boer, Wezacon, August 28, 2018.

[6] WIPO DEU2018-0029, Formlabs Inc. v. Eduard de Boer, Wezacon, 14 januari 2019.

[7] Internet Corporation for Assigned Names and Numbers : icann.org.

[8] Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle : ompi.int.

[9] « Even if the Complainant’s trademarks were not well-known in the Respondent’s country, it was his responsibility under paragraph 2 of the Policy, in registering a domain name, “to determine whether (your) domain name registration infringes or violates someone else’s rights » (WIPO D2012-1244, S.A. Cottet v. Y.G. Cho, August 8, 2012) ; « The Policy is also not reserved to big companies or well-known brands, but available to all trademark holders » (WIPO D2016-1070, Kåbe-Mattan AB v. Tapio Lehtinen, Netline O, July 11, 2016).

[10] ADNDRC Case No. CN-2401638, Dongguan Longzhen Electronic Technology Co., Ltd. v. yunlong li, 28 October 2024.

[11] WIPO D2024-1421, Tenways Technovation Limited, 深圳市十方运动科技有限公司 (Shenzhen Shifang Technovation Limited) v. termistotle mobile, May 22, 2024.