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Métaverse(s) et propriété intellectuelle : un rapport britannique appelle à une coopération internationale

Le 7 mars 2024, l’office britannique de propriété intellectuelle a publié un rapport élaboré par une équipe d’experts[1] s’étant donné pour objectif d’éclairer les liens entre propriété intellectuelle et métaverse (gov.uk, 2024-03-07). Le produit de leur réflexion met en lumière la complexité des questions des droits de propriété intellectuelle dans le métaverse et souligne la nécessité d’imaginer des solutions innovantes.

Ce rapport, riche d’enseignements ç plusieurs égards, explore notamment les questions d’atteintes aux droits de propriété intellectuelle et de règlement des litiges. Selon les auteurs, ces nouveaux environnements numériques pourraient exacerber les problématiques liées à la contrefaçon.

Pour commencer, il paraît utile (comme le font les auteurs) d’insister sur l’arborescence de ces nouveaux espaces numériques. A cet égard, il est essentiel de souligner les deux réalités qui posent les défis auxquels sont confrontés les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Premièrement, il n’existe pas un métaverse unique, mais de multiples espaces avec des degrés d’autonomie et d’interopérabilité différents. C’est pourquoi les auteurs parlent de « multiverses ». Secondement, tous ces « multiverses » ne reposent pas sur des blockchains et, lorsque c’est le cas, il convient d’ajouter qu’il ne s’agit pas nécessairement de la même blockchain. Cette fragmentation, qui conduit à une forme de décentralisation déconcertante, remet en question les modèles de gouvernance centralisée qui fondent et permettent l’exercice des droits de propriété intellectuelle. Selon les auteurs, « ces caractéristiques mettent en évidence l’interaction complexe entre la nature évolutive du métaverse et la propriété intellectuelle, soulignant la nécessité d’approches adaptables et avant-gardistes en matière de réglementation et d’exercice des droits de propriété intellectuelle ».

Là-dessus se superpose la question de la résolution des litiges résultant de l’utilisation non autorisée de biens intellectuels avec, en premier lieu, celle de la compétence juridictionnelle. Sur ce point, les auteurs jugent que la complexité résultant de la décentralisation, de la multiplicité des contributeurs et de l’intégration de contenus générés par intelligence artificielle pourrait bientôt rendre obsolètes les modes traditionnels de règlement des litiges. A vrai dire, l’obsolescence de ces derniers est actée depuis des années. S’agissant des noms de domaine, les principes UDRP ont pris la relève et, concernant les contenus, les titulaires de droits de propriété intellectuelle se contentent des procédés de suppression dits take down, faute de mieux. En tout état de cause, les auteurs du rapport recommandent de recours aux modes alternatifs de règlement des litiges en prenant l’UDRP comme exemple : « La nature mondiale du métaverse, à l’instar des noms de domaine, peut nécessiter le développement de nouveaux mécanismes de résolution des litiges en matière de marques. Cela pourrait impliquer des modifications de l’arbitrage traditionnel ou l’adoption de systèmes de justice décentralisés utilisant la technologie blockchain ». Autrement dit, il faut inventer des méthodes de règlement des litiges de propriété intellectuelle adaptées, et si possible de manière uniforme, à ces nouveaux espaces numériques.

Ce rapport met en évidence la nécessité d’innovations juridiques qu’il conviendrait de réaliser dans le cadre d’une collaboration internationale. Il est vrai que la situation ainsi résumée rappelle, par de nombreux aspects, celle qui avait précédé l’élaboration du système de règlement extrajudiciaires des litiges relatifs aux noms de domaine. Il est souhaitable, en effet, que les acteurs du métaverse et les titulaires de droits de propriété intellectuelle puissent fonder leurs actes sur un cadre de gouvernance transparent et des règles juridiques efficaces qui ne nuisent pas à leurs modèles économiques respectifs.


[1] Dr Gaetano Dimita, Dr Yin Harn Lee, Dr Michaela MacDonald, Dr Anthony Michael Catton, Zeynep Kubra Kavcar Penbegullu, and Juan Alberto Pulido Lock.